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La désinformation, enjeu des européennes

Le réseau social sera particulièrement observé dans sa lutte contre les «fake news».

Lire Le Figaro du 21/3/19 page 26

Si la désinformation en ligne est toujours un sujet gênant pour Facebook, elle n’est en revanche plus un tabou. Le réseau social multiplie les opérations de communication pour faire la promotion de ses efforts pour lutter contre les «fake news», notamment en période électorale. Après deux premiers tests très observés, lors des élections de mi-mandat aux États-Unis et le scrutin présidentiel au Brésil, le géant américain doit désormais faire ses preuves lors des élections européennes fin mai. Un «centre d’opération», dédié au sujet, a été ouvert en début d’année au sein de son siège social à Dublin. Les employés du réseau social y surveilleront les activités suspectes sur Facebook mais aussi Instagram, son application de photos et de vidéos, et la messagerie Instagram. En Europe, Facebook, Google et Twitter ont signé fin 2018 un code de bonnes pratiques contre la désinformation, et se soumettent à un contrôle mensuel de leurs efforts mené par la Commission européenne. Le rapport le plus récent, publié mercredi, se félicite d’un «progrès dans un certain nombre de domaines.» Ces géants du numérique seront particulièrement scrutés en France depuis l’instauration de la loi contre la manipulation de l’information en période électorale.

Le dispositif de Facebook se fonde sur plusieurs piliers. Le premier est consacré à la désinformation: la propagation, par des groupes politiques, militants ou financés par des États, de contenus faux ou sortis de leur contexte, destiner à semer le doute dans l’esprit des internautes ou les pousser vers un certain bord politique. Il s’agit d’un sujet sensible pour Facebook, qui a été accusé, lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, de passivité face à la propagande de pays étrangers souhaitant déstabiliser le scrutin, notamment la Russie et l’Iran.

Transparence publicitaire

Malgré ces pressions, Facebook refuse toujours de supprimer ce qu’il considère comme des fausses informations, pour ne pas être un «arbitre de vérité». L’entreprise avance que, dans beaucoup de cas, la désinformation ne consiste pas en un contenu foncièrement faux, mais sorti de son contexte. La stratégie de Facebook est donc plutôt de diminuer la viralité de ce genre de publications, en les pénalisant dans les algorithmes qui régissent son fil d’actualité. Le réseau social s’associe aussi avec des partenaires médiatiques pour produire des contenus dits de «fact-checking», qui sont proposés en dessous de liens, de photos ou de vidéos qui sont identifiés comme propageant de fausses informations. C’est déjà le cas en France et dans de nombreux pays européens.

L‘autre volet des efforts de Facebook porte plus particulièrement sur la publicité en ligne. La plateforme publicitaire du réseau social est une arme potentielle pour des acteurs malfaisants, qui peuvent s’en servir afin de propager discrètement des contenus sur des sujets sensibles (santé, société, etc.) à des catégories précises d’internautes, qui ignorent que ces publicités sont financées par des groupes avec des intentions politiques. Pour répondre à ce problème, Facebook a déployé dans certains pays, dont les États-Unis, le Brésil et l’Inde, une «archive» de publicités, permettant aux internautes de consulter les groupes ayant financé des réclames ciblées. Cette option sera disponible en Europe à la fin du mois de mars. Une plateforme similaire doit d’ailleurs être mise en place par Google en avril. Facebook va enfin restreindre ses règles d’achat de publicités politiques: tous les candidats et partis devront se déclarer auprès du réseau social avant d’y proposer des réclames. Le réseau social espère proposer tous ces outils à tous les autres pays dans le courant de l’été 2019.


Russia Today France sous surveillance

Encouragée par son succès auprès des «gilets jaunes», RT France, version française de l’ex-Russia Today diffusée sur Internet, est prête pour les européennes. Mais le média financé par l’État russe est sous surveillance. La loi anti-fake news prévoit en période électorale de pouvoir suspendre une chaîne détenue par une puissance étrangère si celle-ci diffuse «une information manifestement fausse et susceptible de fausser le scrutin». Sous le coup d’une mise en demeure du CSA de juillet 2018 pour «manquements à l’honnêteté, à la rigueur de l’information et à la diversité des points de vue» à propos d’un sujet sur la Syrie (la chaîne a fait appel), RT France est toujours persona non grata à l’Élysée, au Quai d’Orsay et à La République en marche. En février, LREM a indiqué que les demandes d’accréditation de RT France seraient refusées pour les européennes. Le nouveau président du CSA, Roch-Olivier Maistre, a indiqué au Monde que l’autorité verra «si les conditions d’une mise en œuvre de cette disposition se présentent». «Si cela arrive, ce serait sans précédent, dénonce Xenia Fedorova, présidente de RT France. Pour faire de l’information équilibrée, tous les partis doivent accepter de venir, ce qui n’est pas encore le cas», ajoute-t-elle.

Pascal Lenoir

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