« La Compagnie Rotative, c’est le média lab des proximités ». Cette phrase résume bien la philosophie des actions entreprises par le média lab du groupe Centre France. Innover par la proximité entre les personnes, la proximité entre les acteurs économiques locaux et la proximité avec les citoyens. Partager et créer du lien. Entretien avec Raphaël Poughon cofondateur de la Compagnie Rotative.
Les femmes et les hommes avant la machine
Créé il y a cinq ans en 2014, le Lab de Centre France a changé de nom en janvier dernier pour devenir La Compagnie Rotative. Dès sa conception, la vision de cette nouvelle structure était claire : promouvoir l’innovation au sein du groupe.
Il a été convenu d’emblée que l’approche ne devait pas être simplement technologique, mais devait s’inscrire dans une transformation globale du groupe.
« La transformation digitale était un des leviers. On a beaucoup travaillé sur les leviers de la communication interne, les process de travail, etc. Globalement l’approche était plus culturelle que digitale », explique Raphaël Poughon.
Plusieurs outils au sein du groupe ont été développés par Raphaël Poughon et Quentin Jaud, qui pilotent la Compagnie Rotative :
- La mise en place (continue) d’un réseau social interne. Il est la pierre angulaire du lancement de la transformation du groupe. Co-construit avec les collaborateurs du groupe, le fil rouge de l’approche est fondé sur le design thinking, c’est-à-dire le fait de concevoir un outil pour qu’il soit le plus en phase avec l’usage des utilisateurs et de manière agile pour le faire évoluer au cours du temps. Raphaël Poughon parle même de « cheval de Troie de la transformation », car il a le mérite de « faire péter les silos entre les services », « valoriser les compétences » des salariés et « arriver à de nouvelles méthodes de management ».
- Organisation d’événements en interne, à l’instar des « Mornings Labs » dont le but est de discuter autour d’un petit déjeuner des logiques d’innovation et qui parviennent à réunir plusieurs collaborateurs issus de services différents. Sont également organisées des réunions avec les managers pour discuter des « tendances du digital », notamment pour faire du « partage de veille ».
Cette conception orientée vers les utilisateurs consiste selon Raphaël Poughon en une volonté «d’ intégrer les collaborateurs dans cette dynamique et de ne pas venir imposer des stratégies conçues et pensées de manière très verticale ».
L’ouverture pour promouvoir l’innovation par la proximité
La vocation initiale du média lab était résolument tournée vers des problématiques internes. Mais très vite, Raphaël Poughon s’est aperçu que « pour travailler sur la transformation et sur l’innovation, il fallait que l’on s’ouvre sur l’extérieur ».
De manière croissante, le Lab de Centre France s’est donc petit-petit mis à collaborer avec des acteurs externes au groupe. « D’abord vers d’autres médias, puis vers d’autres métiers ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le média lab a changé son nom pour devenir la Compagnie Rotative. Mais toujours en gardant cette vision de « créer du lien et apporter de la confiance en proximité ».
Ces nouvelles formes de collaborations se manifestent sous plusieurs formes :
- Rencontre avec les citoyens. Le lab organise des « Rendez-vous de la Montagne » (l’un des titres de presse du groupe) qui sont des ateliers où se rencontrent « sur le même niveau » citoyens et journalistes sur des thématiques pour recréer du lien entre eux.
- Collaboration avec des journalistes d’autres rédactions. Un « Journo Camp » a été organisé l’année dernière par le Média Lab pour rassembler des datajounalistes de toute la France. Il a donné naissance à un collectif « data+local » « qui permet l’échange de bonnes pratiques, savoir-faire, outils, erreurs et base de données » et de « pousser à l’open data » auprès de propriétaires de bases de données.
- Collaboration avec des acteurs économiques locaux pour promouvoir l’open innovation. Plusieurs événements sont organisés par la Compagnie Rotative, tel qu’un hackathon l’année dernière sur la thématique « des nouvelles proximités ».
- Incubation de start-ups. Ce programme a été lancé l’an dernier pour promouvoir des start-ups « de service, de proximité et d’utilité » et « faire grandir les compétences, les savoir-faire » dans un cadre innovant. Parce que « l’écosystème entrepreneurial a une façon de faire, de voir les choses qu’on n’a pas, qui ne sont pas dans nos cultures et que c’est un bon moyen de faire percoler ces deux mondes et que chacun apprenne du monde de l’autre ». Cinq start-ups ont été sélectionnées à l’issue de ce programme. La finalité n’est pas nécessairement d’intégrer ces start-ups au groupe, mais de les faire grandir et d’échanger un ensemble de savoir-faire et compétences. Un exemple concret est le parrainage de chacune d’entre elles par une marraine ou un parrain (volontaires) du groupe Centre-France. C’est un moyen pour eux de valoriser leurs compétences au sein d’une autre structure qui elle, profite en contrepartie de leurs compétences.
- Structuration d’un réseau de start-ups locales. La Compagnie Rotative a lancé un collectif – Magma – qui fédère quatre incubateurs. Un premier événement a eu lieu ce lundi 1er avril 2019 qui a rassemblé pas moins de quarante start-ups.
Pour continuer sur cette lancée, Raphaël Poughon envisage de « pousser encore un peu plus cette ouverture sur notre écosystème et notamment la capacité à mobiliser plus encore le versant citoyen du média lab » et de s’ouvrir davantage auprès de « chercheurs, aux écoles » pour compléter leurs réflexions.