À l’approche de l’épilogue du feuilleton Vivendi-Lagardère, l’ancien banquier spécialiste de l’édition Jean-Clément Texier livre une analyse éclairante de ce que font émerger dans le marché du livre les évolutions capitalistiques des deux premiers groupes français, Hachette et Editis.
Cela va bientôt faire deux ans qu’a officiellement été lancé le rapprochement entre Vivendi et Lagardère, provoquant certaines inquiétudes quant à une concentration éditoriale inédite du marché du livre en France. Finalement, le dossier va se clore par un schéma d’acquisition capitalistique classique acquéreur-vendeur. Qui sont les gagnants et qui sont les perdants de cette séquence ?
Jean-Clément Texier* : Il n’y a ni gagnant ni perdant. Tous les acteurs y ont laissé des plumes, notamment du fait de la lenteur du processus, dans une période inflationniste. On peut estimer que les autorités de contrôle, en demeurant figées sur des marchés étroits, ont empêché l’émergence de champion nécessaire à mon sens à la défense de l’écrit. Cette opération franco-française est à corréler avec le refus du rachat de Simon & Schuster par Bertelsmann aux États-Unis.
Cela m’attriste qu’on pense qu’il faille arrêter les opérations de concentration éditoriale, car le livre n’est pas la presse. Il n’a pas subi la perte de la publicité des médias, même si ce n’est plus un produit en croissance. Je suis d’ailleurs moins inquiet qu’en presse quand il y a des concentrations capitalistiques, car un groupe d’édition est un archipel de PME qu’il faut gérer comme des TPE, à l’exception de la distribution et de la production. Dans le livre, nous serons toujours, à quelques exceptions près, dans la conception, le lancement et la gestion de prototypes. C’est un travail artisanal. Mais tout le monde est également gagnant car cette opération a prouvé que des groupes qu’on n’attendait pas forcément se sont intéressés au secteur du livre, issu de la vieille économie. Cela ouvre des perspectives pour le futur…