L’IGN, vigie de la forêt et producteur de statistiques forestières nationales, publie les résultats de l’Inventaire forestier national (IFN, campagnes annuelles de mesure 2019-2023). Cet état des lieux permet une meilleure connaissance et un meilleur suivi des forêts françaises, publiques et privées, de plus en plus affectées par le changement climatique. Pour 2024, les données de l’IFN confirment une mortalité des arbres en forte hausse, un ralentissement de la croissance des arbres et par conséquent du puits de carbone des forêts. Cette nouvelle édition de l’IFN est enrichie d’informations nouvelles comme celles de l’indicateur DEPERIS permettant une observation plus fine de l’état sanitaire des arbres, ainsi que des données liées au renouvellement des peuplements forestiers et à la pression des grands ongulés (chevreuils, cerfs etc.) sur la régénération.
Taux de boisement par départements en 2023
L’année 2024 et sa forte pluviométrie ont succédé à une année 2023 de sécheresse et à une année 2022 marquée par la combinaison de sécheresses, canicules et grands incendies.
Ces bouleversements climatiques affectent gravement les forêts, comme le montrent les résultats des campagnes annuelles 2019-2023 de l’Inventaire forestier national publiés ce jour.
À retenir cette année :
- Un doublement de la mortalité des arbres en 10 ans
- Un ralentissement de l’accroissement biologique et une moindre absorption de carbone par les forêts
- Deux nouveaux indicateurs pour mieux suivre l’état sanitaire des arbres et le renouvellement forestier
1. Un doublement de la mortalité des arbres en 10 ans
Malgré une surface forestière qui continue d’augmenter (en France hexagonale et Corse, la forêt couvre 17,5 millions d’hectares, soit 32 % du territoire), la croissance du volume total des arbres ralentit. En effet, les forêts sont impactées par le dérèglement climatique ayant entrainé des conditions de vie de plus en plus défavorables pour les arbres (manque d’eau, températures élevées) et la prolifération de bioagresseurs (champignons, insectes, bactéries…). Cela a un impact sur la croissance et la mortalité des arbres.
L’IGN observe un bilan net des flux d’évolution du volume de bois sur pied des forêts divisé par deux en 10 ans (de +41,7 Mm3/an sur la période 2005-2013 à +19,5 Mm3/an sur la période 2014-2022). Cela s’explique par :
- un ralentissement de 4 % de la croissance des arbres (de 91,5 Mm3/an en 2005-2013 à 87,9 Mm3/an en 2014-2022);
- une très forte accélération de la mortalité des arbres avec un doublement en 10 ans (de 7,4 Mm3/an en 2005-2013 à 15,2 Mm3/an en 2014-2022), ce qui représente 0,5 % du volume total d’arbres présents en forêt ;
- une augmentation de 13 % des prélèvements d’arbres (de 47,2 Mm3/an en 2005-2013 à 53,1 Mm3/an en 2014-2022), comprenant pour les deux périodes des coupes subies (coupes de la tempête Klaus de 2009, récolte des arbres morts et dépérissant avant dépréciation, coupes préventives visant à stopper la prolifération des bioagresseurs).
2. Un ralentissement de l’accroissement biologique et une moindre absorption de carbone des forêts françaises
Stock de carbone à l’hectare par sylvoécorégion
Lors de leur croissance, les arbres absorbent le carbone atmosphérique et le stockent dans le bois. L’IGN dénombre 11,3 milliards d’arbres en 2023 soit un stock de 1 300 millions de tonnes de carbone*. Ce stock évolue continuellement en fonction de l’intensité́ des flux de bois entrants (production) et sortants (mortalité́, prélèvements). Ainsi, lorsque le bilan des flux est positif, le stock de carbone en forêt s’accroît, permettant ainsi de réduire la quantité́ de CO2 de l’atmosphère. Ce résultat porte sur la seule biomasse des arbres, sans aborder le sujet complexe de l’évolution de la teneur en carbone des sols forestiers.
En moyenne sur la période 2014-2022 (bilan net), les forêts métropolitaines ont absorbé 39 millions de tonnes de CO2 par an, ainsi transformés en biomasse. Chaque hectare de forêt contient aujourd’hui en moyenne 81 tonnes de carbone dans ses arbres vivants, contre 73 en moyenne en 2009. Le stock de carbone a crû de 17 % entre 2009 et 2023.
Mais depuis quelques années, un ralentissement notable de cette dynamique est constaté, du fait de la multiplication des crises sanitaires combinées à des épisodes de forte sécheresse et de canicule. Certains massifs présentent des niveaux de mortalité et de prélèvement (notamment des coupes sanitaires) supérieurs à la production biologique.
C’est cependant sur le long terme, celui de la vie des arbres, qu’il convient d’analyser la dynamique des massifs forestiers car de nombreux facteurs conjoncturels (catastrophes naturelles, crises sanitaires, sécheresse, etc.) et structurels (ancienneté des peuplements, état du renouvellement, etc.) modifient sans cesse les flux et donc l’évolution du stock de bois et de carbone. Le renouvellement des forêts sinistrées par des peuplements plus résilients est une condition sine qua non pour le maintien de la fourniture des biens et services attendus de la part des écosystèmes forestiers.
* Le réservoir total de carbone de l’écosystème forestier est estimé à 2,8 milliards de tonnes de carbone, réparti dans les arbres vivants recensables (45 %), les arbres morts (4 %), la litière qui recouvre les sols (5 %) et la matière organique contenue dans les 30 premiers centimètres du sol (46 %).
3. Deux nouveaux indicateurs pour mieux suivre l’état sanitaire des arbres et le renouvellement forestier
La question de la vitalité des forêts et du renouvellement forestier est au cœur des politiques publiques. L’IGN y répond avec deux indicateurs désormais intégrés à l’inventaire : d’une part, l’indicateur DEPERIS, qui permet de mieux suivre la dégradation de l’état physiologique des arbres (manque de ramifications et d’aiguilles, présence de branches mortes), et d’autre part de nouvelles données intégrant l’impact des grands ongulés.
- L’indicateur DEPERIS. Pour mesurer l’état de santé des arbres d’au moins 22,5 cm de diamètre, deux critères sont pris en compte : la présence de branches mortes dans la partie haute du houppier et le manque d’aiguilles pour les résineux ou de ramifications (i.e. petites branches) pour les feuillus. Ainsi, sur la période 2021-2023, la France compte 186 millions d’arbres altérés (vivants ou morts sur pied depuis moins de 5 ans), parmi les 2 270 millions d’arbres qualifiés. Le taux d’arbres forestiers altérés est donc de 8 %. Dans le Nord-Est la situation est plus dégradée avec un taux allant de 10 % à plus de 15 % dans certaines zones.
- Protocole des signes de présence des grands ongulés. À la demande du ministère chargé de la forêt et en collaboration avec ses partenaires (Inrae, OFB, CNPF, ONF, FNC, UCFF, Fransylva, etc.), l’IGN déploie depuis 2023 le nouveau protocole de recueil de données de terrain sur le renouvellement des peuplements et la pression des grands ongulés (chevreuils, cerfs, etc.).
Des traces d’abroutissement (le plus fréquent), de frottis (frottement des bois des mâles sur la tige) et/ou d’écorçage (consommation de l’écorce) sont présentes sur 29 % des jeunes arbres*. Ce taux est très variable selon les territoires et selon les espèces : ainsi, près de la moitié des jeunes chênes sessiles présentent des traces alors que ce taux est de 30 % pour le hêtre. Globalement les résineux ont moins de traces et sont moins abroutis que les feuillus, mais sont plus frottés ou écorcés. Le sapin pectiné est en ce sens une exception puisque plus d’un tiers des jeunes arbres présente des traces, très souvent sous forme d’abroutissement.
L’acquisition de données sur les prochaines campagnes annuelles d’inventaire permettra d’affiner les résultats, par exemple par essence et région, et de voir les évolutions.
* arbres ayant un diamètre à 1,30 m inférieur à 7,5 cm et mesurant au moins 50 cm de haut
Les données produites et les résultats de l’Inventaire viendront enrichir la rubrique Les forêts de mon territoire du site de l’Observatoire des forêts françaises. Lancé le 10 juillet 2023, cet observatoire est porté par cinq grands acteurs du domaine : l’IGN, l’Office national des forêts (ONF), le Centre national de la propriété forestière (CNPF), France Bois Forêt, l’Office français de la biodiversité (OFB), sous l’égide du ministère en charge de la forêt et celui en charge de l’écologie.
L’inventaire forestier national est basé sur une méthode dite « en continu », adoptée en 2005 pour mieux rendre compte des évolutions plus rapides que connaissent nos forêts depuis les tempêtes de décembre 1999 et la sécheresse/canicule de 2003. Les principaux résultats de l’inventaire sont publiés chaque année à partir des données collectées sur le terrain pendant les cinq années précédentes. Près de 70 000 placettes de terrain, inventoriées de 2019 à 2023, sont ici mobilisées (dont 14 000 placettes observées en 2023). Depuis 2017, l’enquête inventaire forestier national figure parmi les enquêtes à caractère obligatoire reconnues d’intérêt général et de qualité statistique (au même titre que les enquêtes de l’Insee). Ce label du Conseil national de l’information statistique est une garantie de qualité, d’objectivité et de protection de la vie privée.
Lire : sur le site de l’IGN, publié le 10 octobre
Télécharger : le communiqué de presse
Télécharger : le dossier « Mieux connaître les forêts françaises (24 pages)