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Inflation, marges stagnantes… les librairies indépendantes font grise mine

L’état de santé économique des 3 500 librairies indépendantes de France est inquiétant. Elles estiment être sur une ligne de crête. Le Syndicat de la librairie française, le SLF, appelle les grands groupes d’édition et les pouvoirs publics à leur tendre la main.

Les librairies indépendantes françaises tirent la sonnette d’alarme : à les entendre, la plupart d’entre elles seront déficitaires dans deux ans, si rien n’est fait d’ici-là. En cause, des chiffres d’affaires qui stagnent, des charges qui augmentent et un pouvoir d’achat qui diminue du côté des clients. Ces difficultés font planer une menace sur le nombre de salariés, et indirectement sur la librairie dite « de création » (littérature, sciences humaines, poésie, théâtre…) Guillaume Husson est délégué général du Syndicat de la librairie française :

« Pour être capable de vendre ces livres plus exigeants, il faut avoir du personnel qualifié. Il faut être en mesure de payer ces libraires, en rapport avec cette qualification. L’éditeur Eric Hazan est malheureusement décédé [le 5 juin 2024]. Il avait publié et traduit un livre d’André Schiffrin qui s’appelait L’édition sans éditeurs. Il ne faudrait pas qu’on en arrive à une librairie sans libraires. »

Les éditeurs/distributeurs et l’État appelés à leur tendre la main

Le syndicat appelle aujourd’hui les grands groupes d’édition/distribution à prendre leurs responsabilités en offrant aux libraires de meilleures conditions commerciales, avec de plus grandes remises sur le prix des livres :

« Le marché du livre est encadré par la loi de 1981 sur le prix unique du livre. Ce qui veut dire que ce sont les éditeurs, et non pas les libraires ou les détaillants, qui fixent les prix de vente au public. Donc le libraire, quand il voit ses charges augmenter, ne peut pas, de son propre chef, répercuter cette augmentation sur les prix de vente. Il a besoin que l’éditeur augmente ses prix de vente, ou que le diffuseur/distributeur lui fasse de meilleures conditions commerciales. Certains libraires obtiennent seulement 30, 31, 32 % de remise sur le prix des livres. Mais de la part de groupes importants comme Madrigal, Gallimard, Flammarion, Editis, Actes Sud, l’École des loisirs… nous avons obtenu le principe d’une remise minimale pour tous les libraires à 36 %. Il y deux autres grands groupes qui n’ont pas encore répondu à l’appel : Hachette et Media-Participations. Donc, nous souhaiterions que cette règle s’applique à tous. C’est vital notamment pour les plus petites librairies, qui sont à la peine. »

Petit espace de respiration pour les librairies, dans ce contexte tendu : le Pass Culture, ce dispositif gouvernemental à qui ils doivent aujourd’hui 2,6 % de leurs recettes, et les 3 euros de frais de port obligatoires auxquels doit s’astreindre le géant américain Amazon pour les livres, depuis octobre dernier – cela concerne uniquement les commandes de moins de 35 euros. Guillaume Husson :

« La mesure est appliquée depuis six mois, donc c’est un peu tôt pour tirer un bilan précis. Les premières remontées que nous avons concernent les sites internet des librairies. On constate sans surprise une baisse des expéditions, et une hausse assez importante de ce qu’on appelle le « click and collect », ces livres réservés par Internet, mais que le client vient récupérer en librairie. C’était l’un des objectifs de la loi : réorienter les achats vers des points de vente physiques. »

Mais selon le syndicat, les pouvoirs publics pourraient aller plus loin : faire en sorte que la réduction sur les livres dont bénéficient les collectivités locales (bibliothèques, mairies, universités…) passe de 9%, à 5 % ; ce qui dégagerait 6 millions d’euros, et permettrait aux libraires de doubler leur rentabilité annuelle.

 

Lire : France Culture du 7 juin

 

Jean-Philippe Behr

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