Le quotidien régional a lancé une expérimentation pour que ChatGPT assiste les secrétaires de rédaction pour couper les articles, les titrer etc. Bilan : un gain de temps, selon la direction, même si les syndicats sont plus mesurés. D’autres expérimentations vont être lancées.
Des journalistes entièrement secondés par des robots. Dans les locaux de « l’Est Républicain », une partie des secrétaires de rédaction ont travaillé avec ChatGPT… pour le meilleur, et quelquefois le pire.
L’expérimentation, qui avait débuté à l’automne dans une édition locale de Meurthe-et-Moselle et fait du bruit dans le milieu de la presse en étant le premier test grandeur nature vient de s’achever. Premier bilan : « les résultats sont prometteurs », assure Christophe Mahieu, directeur général de « L’Est Républicain », du « Républicain Lorrain », et de « Vosges Matin ». A tel point que le groupe Ebra veut lancer d’autres expérimentations.
Concrètement, une dizaine de secrétaires de rédaction volontaires ont travaillé pendant trois mois avec ChatGPT 3.5 puis ChatGPT 4 (version payante). Il était demandé au départ au robot d’agir comme un secrétaire de rédaction, c’est-à-dire de titrer les papiers, les corriger, les adapter au format ou encore faire des propositions d’attaques en début d’article etc. Et, ce, sur les papiers des correspondants locaux, des journalistes non professionnels couvrant les fêtes locales, les conseils municipaux, des matchs etc.
Un gain de temps mais des hallucinations et erreurs
Au total, quelque 700 articles ont été corrigés par le robot d’OpenAI, sous supervision humaine. « On observe une fiabilité dans la correction, un gain de temps, qui peut être de quelques minutes par texte », explique le dirigeant. Précision importante dans un contexte où les éditeurs cherchent à se faire rémunérer pour l’utilisation de leurs contenus : les textes n’étaient pas utilisés pour l’entraînement du robot d’OpenAI, avait assuré l’entreprise.
La direction ne peut nier toutefois quelques hallucinations et erreurs, notamment sur les noms des communes, des citations de personnes mal coupées ou modifiées. Mais aussi, des biais comme un ton moralisateur ou la tentation de faire des conclusions. Et même quelques « perles », selon un journaliste de la rédaction. L’un d’entre eux a ainsi demandé à un robot d’IA (qui n’était pas ChatGPT) de lui suggérer une phrase accrocheuse pour présenter un article sur les réseaux sociaux mi février, au sujet d’une Péruvienne qui a coupé le pénis de son compagnon. Et au logiciel de répondre : « Et joyeuse Saint-Valentin à tous ! ».
« Mais, le robot a appris au fil des prompts que nous avons fait de plus en plus précis. Il a pris en compte les consignes comme écrire avec la bonne orthographe etc. », relativise Christophe Mahieu.
Bilan syndical plus nuancé
Toutefois, du côté syndical, le bilan est bien plus nuancé : « l’IA propose des réponses très variables, inadaptées dans un certain nombre de cas. Le point positif est la rapidité d’exécution mais il nécessite plusieurs tâches fastidieuses comme des copiés/collés. Le métier peut perdre de son sens », nuance Eric Barbier, délégué SNJ. En outre, « l’IA uniformise les textes ».
L’expérimentation a été conduite, avec le cabinet ISAST mandaté par les élus du CE. Car au départ, les syndicats n’avaient pas vu d’un très bon oeil l’annonce de l’« invasion » des robots dans la rédaction et avaient demandé un encadrement.
Le cabinet a fait une liste de préconisations telle que sensibiliser les journalistes aux limites de l’IA, faire un suivi d’impact etc. qui a été présentée mercredi. « L’IA n’est pas une baguette magique, mais peut permettre de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée », conclut Christophe Mahieu. Une charte va aussi être mise en place. Le groupe doit aussi choisir les outils qui seront utilisés pour les prochains tests.