Un rapport remis ce jeudi 28 mars à la Commission européenne préconise d’aider les médias à développer des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et la Blockchain. Le document incite notamment à la création d’un fonds d’un milliard d’euros sur cinq ans, renouvelable, dans le cadre du prochain budget européen (2021-2027).
Défiance croissante, prolifération des fake news, difficulté à trouver de nouveaux modèles économiques, dépendance aux géants du Net… Les médias sont en crise. Face à ces défis, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a commandité en 2017 le rapport « Quelle souveraineté médiatique pour l’Europe », rendu public ce jeudi 28 mars. Réalisé par Guillaume Klossa, conseiller spécial du vice-président de la Commission européenne Andrus Ansip pour cette mission, ce document de plus de 80 pages formalise 14 recommandations afin de définir une vision stratégique pour le secteur, à horizon 2030. Avec un postulat : alors que les secteurs comme la banque ou l’assurance investissent déjà massivement dans l’intelligence artificielle (IA) ou la Blockchain, les médias sont à la traîne.
Le rapport préconise un soutien financier avec la création d’un fonds européen d’un montant d’un milliard d’euros sur cinq ans, renouvelable. Le but est de financer des médias pour la création de projets innovants basés sur l’IA, la Blockchain ou les neuro-sciences. Le texte incite également à allouer 3% du programme « Horizon Europe » – destiné à la recherche et doté de 100 milliards d’euros – aux médias et industries créatives. L’objectif est de réduire la dépendance aux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui proposent déjà des fonds dans le domaine. Par exemple, Google a lancé en 2015 un appel à projet baptisé « Google News initiative » (anciennement Digital News Initiative). En 2018, le géant américain a sélectionné 98 projets dans 28 pays européens, distribuant 21,2 millions d’euros – ce qui porte à 115,2 millions d’euros le montant total de son financement.
Développer de nouvelles technologies permettrait de conférer de nouveaux droits aux lecteurs, comme la création d’un « droit à une information de qualité, gratuite et diversifiée pour chaque citoyen européen dans sa langue ». En clair, le rapport souhaiterait voir émerger un outil performant de traduction automatique, indexé sur des « plateformes européennes permettant d’accéder à un contenu de qualité ».
Transparence des algorithmes des médias… mais pas des Gafa
Le document émet l’idée d’un « new deal » sur les données dans la lignée du fameux RGPD (Règlement général sur la protection des données), entré en vigueur le 25 mai dernier. Le but : conférer un « droit fondamental » aux citoyens européens permettant de contrôler leurs données personnelles pouvant être reliées à « la consultation d’informations politiques, sociétales ou culturelles, devant être protégées dans le cadre du secret du vote ».
Selon le rapport, les médias devraient également se montrer plus transparents quant à l’utilisation d’algorithme pour la recommandation d’articles et afficher clairement leur objectif : proposer des points de vue complémentaires, retenir le lecteur le plus longtemps possible sur le site pour augmenter les recettes publicitaires, etc. Une proposition étonnante. Alors que cette initiative tente, entre autres, de réduire la dépendance des médias aux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), une telle disposition régulerait davantage les médias que les géants du Net. En effet, ces derniers, qui sont devenus des intermédiaires incontournables pour l’accès à l’information, ne sont soumis à aucune obligation de transparence quant aux articles mis en avant sur Google News ou le fil d’actualité de Facebook.
Création d’un corps européen de régulation
La création d’un organisme européen de régulation des médias est aussi esquissée dans le rapport. Il serait en charge de trois missions principales : analyser les « comportements des acteurs numériques », imposer le développement d’un « bac à sable pour tester les algorithmes (notamment les algorithmes de recommandations) » et « définir des standards à l’échelle européenne ».
Rien n’est fait pour l’instant. L’objectif est d’affirmer que les médias, actuellement parents pauvres des budgets européens, est un secteur stratégique comme un autre. Ce rapport indépendant vise à proposer des pistes de réflexion à la prochaine Commission sortante des élections européennes en mai, pour peser dans le prochain budget européen (2021-2027).