Impact du projet d’arrêté français précisant les substances contenues dans les huiles minérales interdites d’emploi sur les emballages et pour les imprimés distribués au public (Numéro de notification : 2022/4/F (France)
L’Alliance est la principale organisation professionnelle représentative de la presse d’information politique et générale en France. Elle rassemble près de 300 titres de presse quotidienne nationale et régionale et de presse hebdomadaire régionale. Les éditeurs sont des acteurs majeurs du débat démocratique et du pluralisme aux niveaux national, régional et local.
Le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) est l’organisation représentative de la presse magazine. Il regroupe plus de 80 entreprises et groupes de presse éditant près de 500 publications, de la presse d’information politique et générale à la presse à centre d’intérêt en passant par la presse éducative, culturelle, féminine etc.
L’UNIIC, première organisation professionnelle de son périmètre d’intervention, assure une mission prioritaire : représenter la profession en animant toutes les commissions paritaires et groupes techniques directement liés à la Convention Collective Nationale de l’Imprimerie de Labeur et des Industries Graphiques. Elle intervient auprès des ministères de tutelle sur tout sujet susceptible de contribuer à élaborer notre politique industrielle. Elle instaure un dialogue permanent avec les donneurs d’ordre et les décideurs économiques et politiques. Présente en région, elle représente plus de 500 entreprises des industries de la communication graphique (Imprimerie de labeur, cartonnage, étiquettes et industries créatives).
La Fédération Nationale de la Presse d’information Spécialisée est l’organisation professionnelle représentative de la presse de la connaissance, du savoir et de l’emploi, fédérée autour de 7 syndicats de presse. Elle représente plus de 400 éditeurs de presse éditant plus de 1700 publications, de la presse agricole, à la presse culturelle, scientifique, sociale, juridique ou politique.
Les éditeurs de presse, en collaboration avec leurs imprimeurs, font leurs meilleurs efforts pour améliorer constamment l’impact environnemental de leur support en favorisant l’économie circulaire à travers l’utilisation de fibre cellulosique recyclée et en améliorant leur éco-conception.
Néanmoins, l’Alliance, le SEPM, la FNPS et l’UNIIC souhaitent exprimer leur inquiétude quant aux conséquences du projet d’arrêté français précisant les substances contenues dans les huiles minérales interdites à compter du 1er janvier 2023, pour les lettres de prospectus publicitaires et de catalogues non sollicités visant à faire de la promotion commerciale, et à compter du 1er janvier 2025 pour l’ensemble des impressions à destination du public, dont la presse.
Les encres d’imprimerie sont évidemment un composant indispensable pour tout titre de presse et d’imprimé. La mesure proposée, constituera une restriction sévère à la libre circulation des marchandises au sein de l’UE, aura un impact économique négatif important sur le secteur de la presse et du papier graphique, notamment sur les nombreuses TPE/PME qui le composent et ne répond pas aux principes de nécessité et de proportionnalité qui devraient guider l’introduction de la législation dans l’UE. Par ailleurs ces problématiques se posent dans un contexte où les fabricants d’encre et leurs partenaires se sont fortement mobilisés pour investir et développer des encres contenant des teneurs réduites en composés d’huile minérale qui sont disponibles et utilisées actuellement sur le marché européen.
La disponibilité des solutions proposées et leur impact économique
Le projet ignore la complexité de la question à réglementer et néglige les développements scientifiques récents. En outre, plusieurs des dispositions sont techniquement irréalisables, ce qui entraîne une barrière persistante sur le marché intérieur de l’UE pour les produits imprimés. De plus, l’industrie européenne des encres d’imprimerie produit déjà des encres à teneur réduite en hydrocarbures aromatiques afin de minimiser les MOAH. Ces encres ont déjà été testées et sont déjà largement utilisés notamment en France et en Allemagne.
Dans le secteur graphique de la presse journal d’information et de la presse magazine, plusieurs technologies d’impression, à savoir l’offset coldset, l’offset heatset et l’offset à feuilles, utilisent des encres formulées avec des huiles minérales.
Les encres coldset sèchent par absorption des huiles minérales dans le papier sous-jacent. Deux projets financés par des fonds publics en Allemagne et en France ont étudié l’utilisation potentielle d’encres coldset sans huile minérale. Il a été démontré que les encres coldset sans huile minérale sont en principe possibles. Cependant, le transfert des résultats de ces projets pilotes vers le marché complet, ainsi que la formulation d’encres d’impression qui fonctionnent sur toutes les machines d’impression coldset, est une tâche difficile, car de nombreuses difficultés techniques doivent être anticipées. Dans tous les cas, cela aurait un impact économique élevé et nécessitera un temps de transition important. En outre, certaines spécifications techniques s’écartent des dispositions des projets de recherche, menés par CITEO, l’éco-organisme agréé par l’Etat français. Ainsi, la conduite de toutes ces études et des tests menés par des éditeurs avec leurs imprimeurs depuis plusieurs années, ne trouvent pas leur efficacité aujourd’hui avec ce projet de texte. Il sera nécessaire de mener des travaux de recherche supplémentaires qui ne sont pas réalisables dans les délais impartis.
Dans le cas du séchage heatset, les huiles sont évaporées pendant le processus de séchage et utilisées pour alimenter les séchoirs, alors que seuls des résidus restent dans le papier. Les huiles végétales ou les solvants d’origine végétale ne conviennent généralement pas, car leur point d’ébullition élevé ne permet pas une évaporation efficace dans le séchoir heatset. En outre, les hydrocarbures dont la longueur de la chaîne de carbone est inférieure à C16, qui ne sont pas réglementés par le décret, ne conviennent pas non plus, en raison de leur pression de vapeur élevée. Ces solvants hydrocarbonés s’évaporeraient déjà pendant le processus d’impression et provoqueraient un séchage prématuré, ce qui entraînerait des déchets de papier supplémentaires et une émission importante de COV.
Par conséquent, aucune encre heatset sans huile minérale, utilisable à grande échelle n’est actuellement disponible sur le marché.
Par ailleurs, une grande partie des composés des huiles minérales est évaporée pendant l’étape de séchage des impression heatset
Pour les imprimeurs en France et en Europe, il n’existe aucune garantie de la part de leurs fournisseurs d’encre que les encres d’impression respectant les seuils envisagés seront disponibles au 1er janvier 2023. Dans l’hypothèse où elles seraient disponibles, les imprimeurs n’ont aucune garantie que ces encres pourront fonctionner sur leurs machines, aucun test technique n’ayant été réalisé.
De plus, les implications financières de l’utilisation d’encres alternatives n’ont pas non plus été évaluées et risquent d’affecter gravement les marchés de l’impression déjà vulnérables, c’est-à-dire les journaux d’information et les magazines mais également l’ensemble des produits sortant des unités de productions.
S’il n’existe pas d’encres d’imprimerie alternatives techniquement et économiquement viables répondant aux seuils de la loi française, l’ensemble de la filière graphique, des éditeurs de presse aux imprimeurs se trouveront en grande difficulté avec des prix en forte hausse dans un secteur déjà très fragilisé et dont la situation s’aggrave dangereusement avec la hausse des coûts de l’énergie et du papier.
Entrave à la libre circulation
Il est extrêmement important d’un point de vue économique, culturel et démocratique que les produits imprimés au sein d’un État membre puissent également être vendus et lus dans le reste de l’Europe. Il est très préoccupant que la France ait notifié un projet d’arrêté, qui perturbe potentiellement l’intégrité du marché unique des produits imprimés, tels que les livres ou les journaux.
Ce projet d’arrêté constitue un obstacle aux échanges intra-européens et aura un impact massif sur la libre circulation de la presse imprimés. La mesure est inapte à atteindre l’objectif visé : la seule focalisation sur les encres ne répond pas à la complexité du problème, plusieurs dispositions ne sont
actuellement pas réalisables techniquement et les difficultés de mesure des niveaux de MOAH et de MOSH ne permettent pas de démontrer la conformité.
Les encres alternatives nécessaires ne sont pas disponibles en Europe à une échelle suffisante pour répondre à la demande fortement accrue. En outre, les éditeurs français qui impriment leurs titres de presse ou leurs livres dans d’autres pays de l’UE ne trouveront aucune imprimerie utilisant ces encres, car elles ne sont pas exigées en dehors de la France. En outre, les éditeurs français et leurs partenaires imprimeurs se trouveraient dans une situation de désavantage concurrentiel par rapport aux autres éditeurs européens qui ne seraient pas tenus de respecter ces exigences.
En conséquence, cette mesure constitue un obstacle évident à la libre circulation des biens et marchandises, et plus particulièrement de la presse d’information, dans l’UE, notamment en ce qui concerne ceux qui ont vocation à entrer sur le marché français.
Adaptation des processus de production pour un marché national
Le texte notifié obligera les imprimeurs à adapter leur processus de production lorsqu’ils produisent pour le marché français. Le changement de formulation d’une encre nécessite l’adaptation des machines d’impression. Ils devront donc organiser leur chaîne de production pour s’adapter aux exigences spécifiques du marché français. Ils devront séparer leur production en fonction de la destination finale du produit, ce qui pourra nécessairement conduire à ce que certains d’entre eux ne souhaitent plus imprimer pour le marché français. Parallèlement, les imprimeurs français seront contraints d’augmenter leurs prix pour amortir leurs investissements ce qui les condamnera à devenir non compétitif sur le marché européen.
La mesure proposée est d’autant plus discriminatoire à l’égard des PME européennes qui visent à livrer le marché français. En Europe, 90 % des imprimeries comptent moins de 20 employés. Il est plus contraignant et coûteux pour les PME de modifier leur processus de production pour s’adapter à une mesure nationale. La mise en œuvre de la loi française créera une barrière aux PME européennes pour produire pour le marché français.
De plus, il n’y a aucune garantie que des encres alternatives économiquement et/ou techniquement viables seront disponibles – qui respectent les délais et les seuils de l’arrêté français – et donc toute une série de perturbations potentielles du marché doivent être prises en compte. Ainsi, étant donné que l’arrêté ne pourrait techniquement et pratiquement pas être respecté dans la situation actuelle, les résultats de cette mesure ne répondent pas aux critères de proportionnalité.
Nécessaire approche communautaire harmonisée sur le sujet des huiles minérales
L’objectif du projet d’arrêté est d’améliorer la recyclabilité des produits mis sur le marché français et de promouvoir l’utilisation de matériaux issus d’emballages ou de papiers recyclés, en la liant au risque de migration composants des emballages contenant du papier ou du carton recyclé vers les denrées alimentaires.
Avec la proposition d’ordonnance allemande sur les huiles minérales – déjà notifiée à l’UE – et le texte notifié par la France, deux États membres sont en voie d’adopter deux approches différentes pour atteindre le même objectif.
De plus, l’évaluation du règlement cadre 1935/2004 sur les matériaux en contact avec les aliments est en cours. L’étude qui soutient cet exercice reconnaît le besoin urgent d’harmoniser les matériaux non harmonisés, y compris le papier et le carton, comme l’un des domaines prioritaires. Il s’agit du cadre approprié pour aborder les conditions d’utilisation du papier et du carton recyclés pour les applications de contact alimentaire. Cela permettra également d’adopter une approche globale de la question de la migration des huiles minérales et d’examiner les différentes sources et voies de migration.
Il faut donner la priorité à l’achèvement du cadre réglementaire européen actuel sur les matériaux en contact avec les aliments plutôt que de réglementer des aspects particuliers au niveau national.
Absence d’évaluation de la mesure proposée
L’Alliance, le SEPM, la FNPS et l’UNIIC s’inquiètent du fait que l’impact de la mesure et des seuils proposés n’a pas été pleinement évalué par rapport aux objectifs poursuivis. La mesure est mise en place pour tous les types de produits imprimés, indépendamment de leur potentiel à se retrouver effectivement dans des emballages alimentaires.
Les quatre syndicats professionnels appellent la Commission européenne et les États membres à émettre un avis détaillé au cours de la procédure TRIS afin de donner à la France l’occasion d’expliquer comment elle entend aborder les questions susmentionnées.
Télécharger : le communiqué commun