Le journaliste et réalisateur, spécialiste de la géopolitique des matières premières*, souligne une contradiction de l’époque : vanter l’écologie et utiliser de façon effrénée le numérique sans se soucier des conséquences négatives sur le climat.
LE FIGARO. –Pourquoi jugez-vous que le numérique est une source de pollution oubliée ?
Guillaume PITRON. – Les mots du web sont souvent ambigus. Le terme « cloud » laisse penser que les espaces de stockage dans lesquels nous accumulons nos données (documents Word, photos, vidéos, contenus numériques) seraient des espaces éthérés et cotonneux, sans existence matérielle. La réalité du cloud est bien différente. Ce sont des serveurs empilés dans des étagères, elles-mêmes rangées dans des centres de stockage de données, qui sont des entrepôts dont le nombre s’élève aujourd’hui à 3 millions. L’un des plus grands data centers (centres de données) de la planète, au sud de Pékin, s’étend sur une surface équivalente à celle de 110 terrains de football. La réalité du cloud est donc bien différente de ce qu’évoque son nom. Le terme de « dématérialisation » est également ambigu : la grande promesse de la révolution numérique est de pouvoir s’enrichir en limitant l’impact matériel de l’économie numérique, mais c’est en partie un leurre. On retrouve aussi une ambiguïté dans l’expression « réalité virtuelle », comme si elle ne comprenait aucune autre matérialité que celle des casques.
L’ambiguïté la plus intéressante est peut-être celle véhiculée par le téléphone portable…