Présentée comme une grande décision du ministère de la Culture et de l’Économie, la question des frais de port pour l’envoi de livres a fini comme souvent : la montagne a accouché d’une souris. Et encore, cette dernière n’a que trois pattes. Pour aider le secteur, décision était prise de porter les coûts à 0,01 centime, afin de limiter la concurrence avec un certain vendeur en ligne. Le décret 2020-1569 présente maintenant les contours de cette aide.
Roselyne Bachelot et Bruno Le Maire bombaient le torse : la demande réitérée depuis des années que d’obtenir une réduction des coûts d’expédition de livre aboutissait avec eux. Il aura fallu une pandémie pour débloquer ce sujet. La mesure devait prendre fin ce 2 décembre pour l’envoi des colis, mais le décret est arrivé ce 11 décembre.
Il concerne donc les « magasins spécialisés dans l’accueil du public pour la vente au détail de livres neufs et de supports phonographiques ». Et entre en vigueur au lendemain de sa publication. Dans le détail, rien de neuf, il « institue une aide exceptionnelle, au titre de l’année 2020, pour les détaillants de livres et de supports phonographiques qui font face à d’importantes difficultés liées à l’obligation de fermeture imposée dans le cadre du confinement décidé pour une durée d’au moins quatre semaines, avec une réévaluation tous les quinze jours, dont les modalités sont précisées dans le décret du 29 octobre 2020 ».
Qui et comment ?
Première bonne nouvelle, l’État prend en charge jusqu’au 31 décembre ces frais d’expédition à destination des particuliers. Mais rappelons toutefois que le modèle fonctionne sur un principe de remboursement : le libraire avance les montants dépensés — bien que revus à la baisse — et devra justifier des sommes pour obtenir de l’Agence de services et de paiement qu’elle lui restitue la différence.
En effet, le modèle déployé est celui de Proxicourses librairies, facturé 4,5 €, mais réduit à 2 €. Le colis ne devra pas dépasser un poids maximum de 5 kg, avait précisé La Poste à ActuaLitté — sinon, le tarif était revu en conséquence.
Les modalités de remboursement devaient apparaître sur le site de l’ASP durant le mois de décembre — et à date, n’y figurent toujours pas. Sans décret d’application, difficile de s’engager. « Il est essentiel que la vente de livres continue. Par la prise en charge des frais d’expédition, l’État est à nouveau aux côtés des librairies, en rétablissant des conditions de concurrence équitables et en favorisant leurs ventes à distance », assurait de toute manière Roselyne Bachelot.
Pour nombre de professionnels, la mesure ratait de toute manière le coche en ne ciblant que les librairies vendant des ouvrages neufs. Michèle Benbunan, directrice générale d’Editis, le soulignait : « L’esprit de la loi Lang concerne l’achat à l’unité. De manière schématique, les accords expliquent que l’on doit avoir une remise qualitative supérieure à la remise quantitative, pour ne pas désavantager celui qui vend à l’unité. Si l’on va jusqu’au bout de cette logique, alors les frais de port ne doivent pas pénaliser les vendeurs les plus petits. »
Le neuf et l’ancien
Or, les libraires de neuf ne sont pas les seuls acteurs qui auraient profité de cette mesure : les librairies d’occasion ou de livres anciens l’auraient certainement appréciée. De même pour les éditeurs indépendants – et pourquoi pas, les auteurs indépendants également ? Bref, un périmètre trop restreint, qui donne à la mesure des allures de mesurette…