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Frais de livraison des livres : le Conseil d’Etat renvoie l’affaire devant la justice européenne

La haute instance a renvoyé devant la Cour de justice de l’Union européenne le sort de cette mesure ayant mis fin à la quasi-gratuité des frais de livraison de livres en France. Une décision contre laquelle Amazon est parti en croisade.

Le prochain chapitre des frais de livraison des livres s’écrira au Luxembourg. Vendredi, le Conseil d’Etat a renvoyé devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le sort de cette mesure ayant mis fin à la quasi-gratuité des frais de livraison de livres en France et contre laquelle Amazon avait porté un recours auprès de la haute instance.

Depuis le mois d’octobre, un seuil réglementaire de 3 euros est imposé pour les frais de port du livre pour les commandes en ligne inférieures à 35 euros. A compter de ce cap, l’expéditeur est en droit de proposer une simili-gratuité (0,01 centime d’euro) à ses clients.

Cette mesure se veut une manière de rééquilibrer le jeu concurrentiel entre Amazon – qui a longtemps offert les frais de ports pour les livres (mais pas sur les autres produits, y compris culturels) avant de les facturer 0,01 euro à partir de 2014 , lorsqu’une loi sur le sujet a été adoptée, mais ne définissait pas de grilles tarifaires précises et par paliers -, et ses rivaux dont les coûts de livraison sont moins facilement amortissables, étant donné les effets de taille. De fait, des petites librairies de quartier au Furet du Nord , en passant par la FNAC , de nombreux acteurs ont, à l’inverse d’Amazon, soutenu cette mesure.

Une mesure visant à compléter la loi Lang de 1981

La CJUE devra statuer sur la conformité de cet arrêté avec le droit européen. La décision est désormais attendue dans un délai de 18 à 24 mois et pourrait venir contrecarrer cette mesure phare de la loi, portée par la sénatrice Les Républicains (LR) Laure Darcos, « visant à améliorer l’économie du livre, renforcer l’équité entre ses acteurs […], soutenir (les) libraires et lutter, plus largement, contre les distorsions de concurrence générées par certains grands acteurs du numérique ».

Celle-ci avait été promulguée fin 2021, avec pour objectif de venir compléter la loi Lang de 1981 ayant instauré le prix unique du livre en France. La raison ? Ces dernières années, l’essor de l’e-commerce l’a rendue moins opérationnelle. « Il faut qu’il y ait un prix unique de tous les livres, le livre qu’on va acheter à la librairie comme le livre qu’on reçoit à la maison », avait appelé de ses vœux, en mai 2021, Emmanuel Macron .

« Cette mesure des frais de port du livre n’est qu’une simple normalisation et un alignement très proportionné des tarifs avec ceux d’autres produits. Aujourd’hui, un libraire indépendant dépense de sa poche près de huit euros pour envoyer un livre et rogne donc sur sa marge, » souligne Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, dont les adhérents pèsent plus des trois quarts du chiffre d’affaires national des librairies indépendantes.

« Le marché du livre ne s’est pas effondré »

Craignant qu’elle ne fasse tache d’huile en Europe, Amazon est parti en croisade contre cette mesure, arguant notamment que ces frais de port entravent le pouvoir d’achat. Le groupe multiplie les prises de paroles, contre-propositions ( un tarif postal réduit ) et a commandé plusieurs études en vue d’enlever du crédit à son efficacité.

« Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, le marché du livre ne s’est pas effondré. De plus, il faut impérativement préserver la densité du tissu de librairies pour conserver la diversité de l’offre éditoriale et cette mesure le permet, rétorque Guillaume Husson. L’offensive actuelle d’Amazon est, pour eux, un angle d’attaque sur le prix unique du livre en France, qui les empêche de casser les prix, faire du dumping et de gagner des parts de marché qu’ils pourraient rentabiliser avec d’autres services comme le cloud ou la publicité. Ils invoquent le pouvoir d’achat, mais pourquoi n’offrent-ils pas alors les frais de port sur d’autres bien culturels comme les jeux vidéo ? »

 

Lire : Les Echos du 17 mai

 

Jean-Philippe Behr

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