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Et si demain, nos vêtements étaient composés de bois, de carton ou de papier journal ?

Des chercheurs et étudiants finlandais ont conçu une fibre textile, produite de manière écologique, à partir de fibres de bois, de papier journal, de carton et de textiles usés, l’IonCell.

 

Décembre 2018, le soir du jour de l’indépendance de Finlande, dans les salons du palais présidentiel, Jenni Haukio, la première dame du pays, exhibe ce qui est peut-être la robe du futur. Celle-ci est blanche, sobre, élégante, avec un léger éclat. Sur elle, Jenni Haukio porte la crème de la crème de la recherche universitaire finlandaise. Elle porte une robe, faite à partir de bouleaux. Oui, du bois, plus précisément un tronc de 75 cm, grâce à une technologie, l’Ioncell, fruit des travaux d’étudiants et chercheurs de l’université d’Aalto.

 

« Notre université est multidisciplinaire. Elle combine arts, sciences, business et technologies », explique Kristiina Kruus, doyenne de la faculté de chimie de l’université d’Aalto, présente à un évènement organisé le 16 avril dernier à l’ambassade de Finlande

Une mode du futur durable

 

Sur le campus d’Aalto prospèrent depuis 2010 aspirants chimistes, experts en textile, futurs designers, créateurs de mode et… femmes et hommes d’affaires. Et les projets menés sont portés par ces étudiants aux intérêts à priori divers, artistiques comme business. « Au milieu de tout ça, on encourage nos étudiants à penser et travailler à un futur durable ». Une logique qui n’est pas sans rappeler les valeurs portées par le célèbre designer et architecte qui a donné son nom à l’université, Alvar Aalto, qui a déclaré un jour que « la forme se devait d’être porteuse d’un contenu, et (que) ce contenu se doit quant à lui d’entretenir un lien à la nature ». Une approche saluée de plus en plus par les professionnels de la mode : étudiants et ex-étudiants en mode de l’école décrochent des prix dans les festivals et concours de mode prestigieux.

 

« On sait l’industrie du textile excessivement polluante. Comment répondre à ce problème et aussi, rendre cette industrie plus circulaire ?    »

 

En 2018, Les Inrocks parlaient de la Finlande, comme le nouvel eldorado de la mode. Et la meilleure traduction de cette mode pensée comme durable et portée par de la recherche scientifique consiste en une technologie, l’Ioncell. « On sait que l’industrie du textile est excessivement polluante. Comment répondre à ce problème et aussi, rendre cette industrie plus circulaire ? », pose Kristiina Kruus.

La tisseuse finlandaise file écolo

 

La technologie repose sur un procédé proche de celui du lyocell et du viscose : à partir de fibres de bois est conçue de la fibre de cellulose, qui est ensuite filée. Contrairement aux autres matières, la fibre Ioncell est plus écolo et recyclable – le procédé ne génère pas de déchets et n’utilise pas de produits chimiques. Dans les faits, les chercheurs ont recours à un liquide ionique, sels qui font office de solvants. Ils sont, explique Pour la Science, moins polluants et moins volatils. Les solvants traditionnels sont toxiques, cancérogènes et leur volatilité les rendrait extrêmement polluants. 40 % des émissions de composés organiques volatils (responsables de 15 % de l’effet de serre global) viendraient des solvants organiques.

 

Le liquide ionique utilisé pour produire la fibre Ioncell est ensuite récupéré et recyclé. Le procédé est d’autant plus écologique qu’il est réalisé à basse température, et consomme donc moins d’énergie. Ioncell ne vide pas les forêts pour autant. « Le liquide dissout aussi d’autres matières recyclées, telles que le papier journal, du carton, du vieux coton, mais aussi du jean », développe Kristiina Kruus. En visite en août 2018 à l’université d’Aalto, le président Emmanuel Macron s’est vu ainsi offrir une écharpe bleue synthétisée en Ioncell à partir de vieux jeans.

 

Pour l’heure, le déploiement de la technologie commence à peine. L’université prépare pour 2020 une chaîne de production pilote afin de tester une production de masse. Si l’expérimentation aboutit, l’université mise sur une production industrielle en 2025. Peut-être une manière « durable » de renverser le cycle doublement vicieux de l’industrie du textile et de la mode, responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre et par essence, prompte au gaspillage. Sur les 5 millions de tonnes mises sur le marché, près de 4 millions de tonnes de textiles, neufs ou usagés, sont jetés en Europe chaque année.

 

Lire : Usbek & Rica du 25 avril

 

Lire : Ioncell

 

Jean-Philippe Behr

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