ePresse, un des pionniers français des kiosques numériques, accepte de se laisser avaler par le suédois Readly pour internationaliser son catalogue et investir dans de nouveaux services basés sur l’analyse de données. Le départ des kiosques de grands titres de presse comme « L’Equipe » n’a pas dissuadé l’acquéreur.
Le Spotify de la presse va-t-il enfin voir le jour ? En tout cas, la consolidation des kiosques numériques de journaux et magazines s’accélère dans l’idée de constituer des leaders européens capables de faire tenir debout un modèle économique et de rivaliser face aux initiatives des Gafa comme Apple News +. Le propriétaire du pionnier français ePresse (allié à Orange) a accepté mercredi de se laisser avaler par le suédois Readly pour internationaliser son catalogue de titres de presse et se donner les moyens d’investir plus dans l’analyse de données. Avec la volonté de fournir aux éditeurs et aux abonnés des meilleures « readlists » qui, un peu comme une playlist musicale , permettent de personnaliser les parcours de lecture.
« Le marché se mondialise avec des exigences croissantes en technologies et marketing, et ce que nous pouvons faire seuls n’est plus suffisant même si nous sommes satisfaits du chemin parcouru, explique Jean-Frédéric Lambert, le patron de Toutabo, maison mère d’ePresse. Sur le modèle d’un Spotify ou d’un Netflix, il faut être capable de traiter beaucoup de data pour comprendre vraiment ce qui intéresse les abonnés ».
40 milliards de données
De son côté, Readly a déjà brassé 40 milliards de données et offre un catalogue de plus de 5,000 magazines en 17 langues différentes. Fin juin, son parc d’utilisateurs atteignait 420,000 abonnés (+30 % sur un an). ePresse ne communique pas son nombre d’abonnés. Pour s’emparer de l’acteur français et de son catalogue de plus de 1,000 titres (dont « Les Echos »), le groupe coté à la Bourse de Stockholm va payer 8,2 millions d’euros.
C’est la première acquisition à l’international pour cette entreprise suédoise déjà présente en 11 pays et qui vante des positions de leader notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Cafeyn, l’autre acteur incontournable des kiosques en ligne français, avait lancé le bal du M & A à l’été 2020 en rachetant le néerlandais Blendle , l’ex- « iTunes de la presse ».
Ces dernières années, le numérique est devenu le nerf de la guerre pour soutenir les ventes des éditeurs de presse écrite alors que la distribution physique a été en chute libre en 2020 sur fond de pandémie et de défaillance de Presstalis , le principal réseau de diffusion français. Le marché français de la distribution numérique de la presse est estimé à 2 milliards d’euros et, selon Readly, il y a des gisements de croissance sur les autres pays francophones tout comme chez les Français résidents à l’étranger.
« Ce que nous apportons c’est un rayonnement plus large qui devrait permettre d’augmenter les taux de croissance à la fois en France et sur les audiences à l’international, observe Maria Hedengren, la directrice générale de Readly. Dans le monde, il y a 300 millions de francophones et chez nos utilisateurs, 20 % des choix de lecture portent sur du contenu international, avec beaucoup de clients demandant des contenus en français ».
Un modèle menacé
Mais il y a des obstacles. Car le secteur des kiosques numériques est en quelque sorte victime de son succès . Leur modèle repose sur la mise à disposition de centaines de titres de journaux et magazines en payant les groupes de presse le plus souvent à la copie téléchargée. Cela présente certes l’avantage d’élargir la diffusion dans des temps compliqués, mais certains éditeurs qui appréciaient de toucher un surplus de revenu à moindres frais craignent désormais une cannibalisation de leur propre offre numérique.
« L’Equipe » – une des sources les plus importantes de revenu pour ces portails numériques – et le magazine « Le Point » ont décidé récemment de se retirer de tous les kiosques d’ici fin 2021. « Le Parisien » (qui comme « Les Echos » appartient à LVMH) y réfléchirait aussi.
« Beaucoup d’éditeurs tentent des stratégies différentes pour réussir leur transformation », relativise Maria Hedengren. « Dans le passé, très peu d’éditeurs nous ont quitté et bien sûr nous souhaitons qu’aucun éditeur ne nous quitte. Nous voulons engager des discussions avec tous les éditeurs. Si certains comme « L’Equipe » veulent tester leur modèle, il y en a qui reviendrons ».