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En Inde, l’avenir du livre passe par le mobile

Sur le marché du livre, l’Inde occupe la 6e place mondiale. Un secteur porté par un système éducatif qui explose et des étudiants avides de se former. Du reste, les quelque 450 millions d’Indiens connectés à Internet sur mobile sont la cible des nouveaux éditeurs du pays.

 

« En 2018, l’année a été phénoménale », a déclaré la filiale indienne de la maison d’édition britannique Bloomsbury. Un constat unanime dans le monde de l’édition, partagé par les gros éditeurs comme par les pure players. En 2015, le cabinet d’études Nielsen disposait à la 6e place mondiale le secteur du livre indien, avec un chiffre d’affaires s’élevant à 3,3 milliards de dollars et une projection de croissance annuelle à 20 % jusqu’en 2020. Autrement dit, le secteur se porte bien. Sauf qu’ici les best-sellers ne sont ni des Houellebecq indiens, ni des Fifty Shades of Grey locaux, mais des manuels scolaires.

 

« 70 % du marché est occupé par les manuels scolaires et parascolaires », explique le directeur du département Livres de la filiale indienne de Nielsen, Vikrant Sathur. La population indienne est jeune. Et dans le contexte d’une économie amenée à se développer davantage – la croissance de l’Inde était de 8 % fin 2018 –, cette jeunesse a besoin de se former. Les bancs des écoles et des universités sont fréquentés par près de 300 millions d’élèves et d’étudiants, avançait en 2017 le ministre de l’Éducation d’alors, Prakash Javadekar. « En 2009, le gouvernement a aussi promulgué le RTE, le Right to Education Act, soit un droit à une éducation obligatoire et gratuite pour tous les moins de 14 ans », précise Vikrant Sathur.

 

Une histoire à 1 dollar

 

Une population davantage scolarisée donc, mais aussi plus connectée. Et ça n’a pas échappé à l’entrepreneuse Chiki Sarkar, à la tête d’une maison d’édition mobile-first. « J’ai été un rat de bibliothèque toute ma vie […] ; toutefois, j’étais semblable à tous ceux que j’observais : impossible de survivre sans mon téléphone », raconte-t-elle dans une conférence TED. Bien vu : sur une population de 1,3 milliard d’habitants, l’Inde comptait en 2017 451 millions de « mobinautes » – 700 millions d’ici à 2020, selon les estimations. « Les Indiens écrivent et lisent beaucoup sur Facebook ou WhatsApp », constate Chiki Sarkar, qui quitte alors son fauteuil d’éditrice dans une grande maison et fonde Juggernaut Books, une plateforme sur laquelle sont diffusées en propre – « comme Netflix » – des histoires par des auteurs reconnus ou amateurs. Des histoires écrites « pour le mobile, pour être lues sur un trajet », à un prix modique – moins d’un dollar. « J’aimerais faire de la lecture une habitude quotidienne, aussi facile et sans effort que consulter son courrier électronique, réserver un billet en ligne ou commander ses courses. »

 

Le concept séduit. Harper Collins India, l’un des géants de l’édition anglophone, a décidé d’intégrer tout son catalogue à l’application Juggernaut. Son PDG, Ananth Padmanabhan, prospecte aussi du côté des audiobooks. Il faut dire que le pays a une longue tradition orale : on y parle 1 600 langues et près de 6 000 dialectes. « Les gens ont envie de lire dans leur langue régionale », confirme Vikrant Sathur. L’audio pourrait aussi s’imposer comme un axe de développement sérieux pour le secteur du livre. Le concurrent suédois d’Audible (le producteur d’audiobooks d’Amazon), Storytel, l’a bien compris et s’est déjà lancé sur le marché : « N’importe quel éditeur en Inde vous le dira : la littérature a bien un futur, mais sous des formes plus diversifiées. » De l’audio, du mobile ou du papier, quel support raflera la mise alors ? « Le livre gagnera tout court, tranche Ananth Padmanabhan. Qu’elles soient imprimées, électroniques ou audio, il s’agit d’abord d’histoires et d’idées. »

 

Lire : Usbek & Rica du 29 février

 

Jean-Philippe Behr

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