Le milliardaire a racheté le réseau social pour 44 milliards de dollars. Sa première décision a été de licencier le PDG, Parag Agrawal, ainsi que le directeur financier et la directrice des affaires juridiques. Une période d’incertitude s’ouvre pour la plateforme.
Elon Musk vient de prendre le contrôle de Twitter. L’une de ses premières décisions a été de licencier quatre dirigeants du réseau social, selon plusieurs médias américains. Il s’agit du PDG Parag Agrawal , du directeur financier Ned Segal, de la directrice des affaires juridiques et de la sécurité sur la plateforme Vijaya Gadde, et de l’avocat général Sean Edgett. Ces derniers ont quitté les locaux de Twitter jeudi en fin d’après-midi à San Francisco.
Les actionnaires de Twitter seront rémunérés au prix initialement prévu de 54,20 dollars par action. Twitter devient une entreprise privée, contrôlée par Elon Musk. Le milliardaire a payé le réseau social au prix fort : 44 milliards de dollars. L’achat a finalement eu lieu pendant une semaine qui a vu les grands noms de la tech (Google, Amazon, Microsoft et Facebook) plonger en Bourse à la suite de résultats décevants .
Sur Twitter jeudi tard dans la nuit, Elon Musk a commenté : « L’oiseau est libéré ». Une référence au symbole de la plateforme, un oiseau bleu, et à son ambition de rétablir la liberté d’expression, qui aurait, selon lui, disparu de la plateforme.
Le milliardaire est suivi par plus de 110 millions de personnes sur le réseau social. Il a modifié, le 26 octobre, son profil en s’autoproclamant « chief twit », ce qui signifie aussi « crétin » en anglais. Le même jour, le patron de Tesla et de SpaceX a visité les locaux de Twitter, dans le centre de San Francisco.
Rassurer annonceurs et salariés
Pendant cette visite, il a cherché à rassurer les salariés qui lui ont demandé s’il était vrai qu’il voulait licencier les trois quarts d’entre eux, conformément aux informations du « Washington Post » . Elon Musk leur a promis que ce ne serait pas le cas. Mais il semble probable qu’il décide tout de même de licencier une grande partie des salariés de la plateforme.
Le même jour, le milliardaire a twitté pour apaiser les annonceurs, affirmant qu’il n’avait pas pour intention de démanteler la politique de modération du réseau social. « Twitter ne peut évidemment pas être un endroit infernal ouvert à tous, où tout peut être dit sans conséquence », a-t-il écrit. En l’absence de modération, la plateforme prendrait le risque de faire fuir les annonceurs, qui assurent environ 90 % des revenus de Twitter.
« Elon Musk a de bonnes raisons d’éviter de changer massivement la politique de Twitter sur la publicité », commente Jasmine Enberg, analyste chez eMarketer. « Les revenus de Twitter ont souffert de l’incertitude autour de l’accord avec Elon Musk, du ralentissement de l’économie et des changements autour de la politique de confidentialité d’Apple, et Twitter n’a pas d’autres sources de revenus immédiatement disponibles. »
Volte-face
Elon Musk s’était engagé à acheter le réseau social en avril, avant de changer d’avis et de chercher à échapper à ses obligations. La plateforme lui a fait un procès pour le forcer à respecter sa promesse. Le milliardaire a finalement fait volte-face début octobre, deux semaines avant le début du procès. A cette date, il s’était dit déterminé à racheter la plateforme. La juge lui avait laissé jusqu’au 28 octobre pour mener à bien la transaction. C’est finalement arrivé un jour avant la date butoir.
Le milliardaire a prévu de se rendre à nouveau dans les locaux de Twitter ce vendredi. Il devrait tenir une conférence avec les salariés pour leur donner plus d’informations sur l’avenir de la plateforme, selon les médias américains.
Pour l’instant, les projets d’Elon Musk pour le réseau social ne sont pas clairs. Le milliardaire a répété à plusieurs reprises que sa principale raison pour le rachat était de défendre la liberté d’expression sur la plateforme, qu’il considère comme la « place du village numérique », où ont lieu des débats importants pour la démocratie.
Multiplier les revenus par 5
Dans un plan présenté aux investisseurs, qui a été consulté par le « New York Times » en mai, le patron de Tesla et de SpaceX s’engageait à multiplier par cinq les revenus de la plateforme d’ici 2028. Il veut réduire la dépendance de Twitter à la publicité en ligne, en convainquant les utilisateurs de payer un abonnement. Enfin, il se fixe pour objectif de frôler le milliard d’utilisateurs d’ici la fin de la décennie.
Plus récemment, il a dit que le rachat de Twitter lui permettrait « d’accélérer vers la construction de X, l’application qui fait tout ». Ce qui a donné lieu à des spéculations. Le milliardaire pourrait s’inspirer de l’application chinoise WeChat, qui sert à la fois de réseau social, d’application de paiements entre particuliers, de site d’e-commerce, etc. Mais ses plans restent nébuleux pour l’instant.
Comment Elon Musk veut changer le modèle économique de Twitter
Dans un document présenté aux investisseurs en avril, le candidat au rachat du réseau social détaillait son ambition : un quadruplement du nombre d’abonnés et des revenus moins dépendants de la publicité.
Elon Musk a de grandes ambitions pour Twitter. Dans un document présenté aux investisseurs en avril et révélé par le « New York Times », le milliardaire détaillait ses projets pour le réseau social. Et si le fondateur de Tesla et de SpaceX a toujours vu grand pour ses projets, les chiffres dévoilés attestent d’un changement d’échelle audacieux.
Le « serial entrepreneur » estimait, d’abord, que le nouveau positionnement de Twitter et ses réformes permettraient de quadrupler le nombre d’abonnés. De 217 millions d’utilisateurs fin 2021, la plateforme attirerait près de 1 milliard d’abonnés – 931 millions, très exactement – à l’horizon 2028, avec déjà 600 millions de « twittos » dès l’année 2025.
Elon Musk réussirait en outre à convaincre sa base d’abonnés et des dizaines de millions de nouveaux utilisateurs de payer. Twitter a déjà lancé Blue, un service à 5 dollars par mois qui offre des fonctionnalités améliorées, mais il serait remodelé. Avec un prix de 3 dollars par mois, un abonné sur six l’adopterait à l’horizon 2028, parie Elon Musk. De quoi apporter 5,7 milliards de dollars de recettes.
Recomposition
Ces abonnements permettraient à la fois de doper le chiffre d’affaires et, surtout, de rendre l’entreprise moins dépendante des recettes publicitaires, au moment où le ciblage publicitaire devient plus difficile à mettre en oeuvre. Au final, le chiffre d’affaires croîtrait encore plus vite que le nombre d’abonnés : il atteindrait 26,4 milliards de dollars en 2028, cinq fois plus qu’en 2020. De quoi faire grimper le revenu par utilisateur de 20 % d’ici à 2028, autour de 30 dollars.
La part des revenus publicitaires serait divisée par deux dans le chiffre d’affaires global, à 45 % contre 90 % aujourd’hui. Twitter développerait aussi son activité de paiement et de facturation, ainsi que ses revenus de licence.
Pour soutenir son développement, Twitter devrait recruter. L’entreprise, dont la notoriété et le poids politique dépassent largement l’empreinte sociale – elle compte 7.500 salariés -, embaucherait jusqu’à atteindre 11.000 employés en 2025. Les plans d’avril ne sont toutefois peut-être plus les plans d’octobre. Le « Washington Post » indiquait ces derniers jours qu’Elon Musk envisageait de supprimer les trois quarts des effectifs… Une recomposition des profils est toutefois à attendre, Elon Musk ayant souvent jugé que le logiciel du réseau social n’était guère performant. L’avenir des modérateurs de contenus est aussi en question et sera surveillé par les régulateurs.
Malgré les investissements et la hausse des coûts, le free cash-flow (les entrées moins les sorties d’argent) grossirait rapidement en profitant de l’explosion du nombre d’abonnés, pour atteindre 9,4 milliards de dollars à l’horizon 2028. Une feuille de route qu’il ne reste plus qu’à mettre en oeuvre, mais déjà jugée très optimiste.
Rachat par Elon Musk : les salariés de Twitter broient du noir
Les salariés suivent depuis des mois, avec inquiétude, la tentative d’Elon Musk de racheter le réseau social. Dès son arrivée jeudi, le milliardaire a mis dehors le PDG, Parag Agrawal, et trois autres dirigeants. Il doit tenir une réunion ce vendredi pour tenter de rassurer les salariés.
Après des mois d’hésitations, Elon Musk a acheté Twitter . Pour les salariés du réseau social, une période d’incertitude s’ouvre. Le milliardaire a commencé par licencier quatre dirigeants, selon les informations des médias américains. Il s’agit du PDG Parag Agrawal, du directeur financier Ned Segal, de la directrice des affaires juridiques et de la sécurité sur la plateforme Vijaya Gadde, et de l’avocat général Sean Edgett.
Le milliardaire a passé plusieurs heures, mercredi, dans les locaux de l’entreprise. Il a assuré les salariés qu’il n’avait pas pour intention de licencier 75 % d’entre eux, contrairement aux informations du « Washington Post » . Malgré tout, des centaines de salariés parmi les 7.500 que compte Twitter pourraient perdre leur travail.
Elon Musk a prévu de tenir une réunion avec les salariés de Twitter ce vendredi, ce qui devrait être l’occasion de répondre aux inquiétudes des salariés. Après que la nouvelle du rachat et du départ de Parag Agrawal est tombée, le milliardaire s’est contenté de poster des photos de fusées SpaceX sur son compte Twitter. Puis, vers 6 heures (heure française), un simple « the bird is freed » (« l’oiseau est libéré »).
« Inquiétude légitime »
La peur de licenciements massifs est « une inquiétude légitime », estime Jasmine Enberg, analyste chez eMarketers. « Quoi qu’il en soit, le rachat par Elon Musk va sans doute entraîner davantage de chaos interne dans l’immédiat. Cela inquiète beaucoup de gens à l’intérieur de Twitter. »
Ces derniers mois, les salariés ont eu très peu d’informations sur l’évolution des discussions avec Elon Musk. Une réunion avec Jay Sullivan, le directeur produit de Twitter était prévue pour jeudi soir, mais elle a été annulée à la dernière minute. Quant à Parag Agrawal, « cela fait des semaines qu’il est complètement absent », peste un employé à The Verge .
Quelle rémunération ?
Les salariés de Twitter craignent aussi de devoir faire une croix sur une partie de leur rémunération. Une grande partie de la rémunération pour les salariés de la tech est liée à des options d’achat, que les salariés acquièrent au fur et à mesure de leur ancienneté. Si Twitter n’était plus une entreprise cotée, de nombreux salariés pourraient voir leur rémunération diminuer drastiquement. Elon Musk s’est engagé à remplacer cette source de revenus, mais les salariés doutent qu’il tiendra parole.
Plus de 700 salariés auraient quitté le groupe depuis juin, selon les informations de l’AFP. « Ce sont plutôt des départs volontaires, soit pour des raisons éthiques, soit pour des raisons bassement financières, parce qu’une entreprise non cotée, c’est moins intéressant, » affirme une source anonyme à l’agence.
Sur Blind, une application qui permet aux salariés d’une entreprise de communiquer anonymement entre eux et avec d’autres, certains salariés de Twitter semblaient tenir Jack Dorsey, le fondateur, pour responsable du rachat. Un post intitulé « Fuck you Jack » était très populaire parmi les salariés. D’autres ont voté pour leur candidat préféré au poste de PDG : Jay Sullivan, l’actuel directeur produit, est arrivé en tête. Mais il semble peu probable qu’Elon Musk choisisse un candidat interne pour ce poste.
Manque de clarté
A cette incertitude s’ajoute le manque de clarté sur les intentions du milliardaire. Car la dernière prise de parole publique d’Elon Musk sur ses intentions pour l’avenir de la plateforme était pour le moins cryptique.
« Racheter Twitter est une façon d’accélérer la construction de X, l’application qui fait tout », a twitté le milliardaire. Il pourrait s’inspirer de WeChat, l’application du chinois Tencent, qui permet notamment d’effectuer des paiements entre particuliers, de réserver des billets d’avion, de faire des achats en ligne ou en magasin…
Le milliardaire a aussi déclaré à plusieurs reprises qu’il a pour intention d’assouplir la modération sur Twitter, même s’il a semblé mettre de l’eau dans son vin cette semaine pour rassurer les annonceurs. Il souhaite aussi multiplier par quatre les revenus d’ici 2028, selon une présentation à des investisseurs consultée par le « New York Times », mais il n’a pas précisé comment.
Lire : Les Echos du 28 octobre