Le numéro deux français de l’édition est entré en négociations exclusives pour racheter 100 % des parts de ce groupe qui a vu le jour en 1986. Un gros coup pour Editis qui pourrait ainsi se renforcer sur le segment de la BD et du manga.
C’est bien parti pour être la première transaction majeure du néo-Editis depuis son rachat – finalisé en fin d’année dernière – par le milliardaire Daniel Kretinsky. Le numéro deux du marché français de l’édition vient d’entrer en négociations exclusives en vue de réaliser l’acquisition à 100 % de Delcourt, un poids lourd de la BD et du manga qui a franchi pour la première fois le cap des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an passé, avec 58 % de ce chiffre lié à la BD, 35 % au manga, 6 % aux comics et 1 % à la littérature.
Un gros coup pour Editis qui envoie deux messages au marché. Un : le groupe se voit allouer par son actionnaire de consistants moyens et a une vraie marge de manoeuvre pour se relancer puisque, selon nos informations, le rachat s’est négocié pour un montant excédant largement les 100 millions d’euros, une somme XXL à l’échelle du marché français de l’édition. Deux : après une longue odyssée déclinante, Editis a retrouvé une vraie attractivité puisque la société a su convaincre Delcourt, alors que d’autres géants de l’édition, comme Hachette ou Albin Michel en France, mais aussi des industriels étrangers, étaient sur les rangs.
« La question de ma succession se serait posée tôt ou tard et était inéluctable, fait valoir Guy Delcourt qui va demeurer à la tête de sa maison fondée en 1986, laquelle va conserver son autonomie opérationnelle et éditoriale. Cette opération va nous sécuriser et nous renforcer. Avec Editis, les affinités business étaient tangibles et nombreuses. Nous avons déjà réalisé plusieurs co-éditions de livres avec les éditions de la Découverte, dont « La Distinction » [une BD librement inspirée du livre du sociologue Pierre Bourdieu et vendue à 50.000 exemplaires, NDLR] et ces expériences ont été très concluantes. »
Les succès de la série de bande dessinée « Les Légendaires »
En forte progression ces dix dernières années, le pan de la BD et du manga est aujourd’hui le deuxième foyer de revenus du marché tricolore de l’édition, seulement devancé par la littérature générale (en incluant la romance), selon GfK. « Editis est encore peu présent dans la BD et le manga, qui représentent 5 % de notre chiffre d’affaires aujourd’hui, essentiellement avec notre maison Kurokawa (‘Spy × Family’) et ce rachat nous permettrait de nous développer de façon significative sur ces segments », souligne Catherine Lucet, directrice générale d’Editis. « Nous avons des ambitions de développement et nous regarderons toutes les opportunités qui pourraient se présenter et qui feraient du sens. »
Ce rachat pourrait aussi se traduire à terme par un transfert de la distribution puisque Delcourt est aujourd’hui en contrat avec Hachette sur ce plan-là. « Intégrer à terme la distribution de Delcourt chez Interforum est un des axes du projet de rapprochement, mais cela se fera à terme », précise Catherine Lucet. Cette transaction – pour laquelle la banque d’affaires Rothschild a été mandatée – verra aussi Florac (le holding d’investissement de la famille de Marie-Jeanne Meyer) se délester de sa participation de 49 %.
Numéro trois du secteur tricolore de la BD et du manga avec 11 % de parts de marché derrière Glénat et le leader Média-Participations, Delcourt est notamment connu pour les succès de sa série de bande dessinée « Les Légendaires » (plus de 10 millions de ventes en langue française), « Walking Dead » (plus de 5 millions), les « Blagues de Toto » (plus de 6 millions) ou encore le titre unique « Les Indes fourbes », vendu à près de 300.000 exemplaires.
Lire : Les Echos du 23 juillet