La pratique est ancienne, courante pour certains éditeurs, mais reste recouverte d’un voile pudique : le pilon, ou la destruction des exemplaires invendus, reste indissociable de l’industrie du livre. Justifiée par les incertitudes du marché, la maitrise des coûts de fabrication et les frais de stockage, elle se trouve néanmoins de plus en plus critiquée, face à l’impératif de la sobriété environnementale…
C’est le secret le mieux connu, mais aussi le plus strictement gardé, du secteur. Chaque année, des milliers d’ouvrages disparaissent. Invendus et retournés chez les distributeurs, ils sont détruits sur décision de l’éditeur, estimant qu’il ne les écoulera pas à court et moyen termes, et que leur entreposage sera trop coûteux.
D’après le Syndicat national de l’édition, qui représente plusieurs centaines de structures françaises, 26.300 tonnes de livres par an sont pilonnées, en moyenne.
Ce qui représente, toujours en moyenne, 13,2 % de la production apportée par les distributeurs aux points de vente (librairies, grandes surfaces culturelles, hypermarchés…). Mais aussi plus de la moitié des volumes d’ouvrages invendus (42.200 tonnes par an) : un livre sans lecteur aura donc de bonnes chances d’être purement et simplement broyé.
Cibler la destruction des invendus
Publiée en février 2020, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) entend réduire les destructions des produits invendus, qu’ils soient alimentaires ou non-alimentaires. Elle s’attaque d’abord à la première catégorie, en introduisant des obligations — limitées — de non-destruction des invendus et de don.
Les consommateurs sont aussi encouragés, notamment par la diffusion de messages relatifs aux dates de durabilité minimale des produits alimentaires : le pictogramme et le slogan « Observez, sentez, goûtez » sont désormais connus.
Pour les invendus non-alimentaires, cette même loi AGEC oblige les producteurs, importateurs et distributeurs à les réemployer, réutiliser ou recycler, depuis le 1er janvier 2022. Le secteur du livre était largement épargné par cette législation, mais bien concerné par l’interdiction de la destruction des invendus, souligne Karen Politis Boublil, chargée de mission pour les commissions Économique et Environnement et Fabrication du Syndicat national de l’édition.
« Au sens de la loi, la “destruction” consiste en une incinération ou un enfouissement. Dans le secteur de l’édition, les invendus ne sont pas détruits, mais recyclés, pour produire de la pâte à papier qui retourne ensuite dans les circuits de production », nous précise-t-elle. Le SNE insiste d’ailleurs sur ce point depuis plusieurs années : 100 % des livres pilonnés seraient recyclés.