La Cour d’appel a donné raison à l’Autorité de la concurrence face à Google. Google et la presse d’information générale se disent proches d’un accord sachant que le géant du Net accepte désormais le principe du droit voisin.
Deux bonnes nouvelles coup sur coup pour la presse française. Mercredi, Google et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) ont fait savoir que la firme américaine acceptait le principe d’un droit voisin justifiant la rémunération des éditeurs dont elle met en avant des articles via son moteur de recherche. Et jeudi, la Cour d’appel de Paris a validé la décision de l’Autorité de la concurrence (AC) d’imposer à Google de négocier ce droit avec la presse française ( voir l’arrêt ici ).
« Il s’agit d’un arrêt extrêmement important, voire historique, dit aux ‘Echos’ Isabelle de Silva, présidente de l’AC. Outre qu’elle confirme que le législateur a déjà tranché sur la nécessité pour une plateforme de payer un droit voisin, il en allait de la capacité d’une instance de régulation à faire respecter la loi. Les répercussions de cet arrêt se feront sentir sur les sujets de la haine en ligne, des ‘fake news’ ou de la vie privée (RGPD). »
Répercussions internationales
Les derniers développements français sur le sujet d’une rémunération de la presse par Google et les autres plateformes risquent d’être scrutés de près bien au-delà des frontières de l’Hexagone, et pas seulement européennes. Dans de très nombreux pays, la presse estimant ne pas être suffisamment rémunérée pour ses investissements a engagé un bras de fer avec Google et Facebook en faisant valoir que ces géants captent l’essentiel des revenus publicitaires, dont une grande partie est générée par un trafic lié à l’actualité.
Les plateformes estiment, elles, que le trafic qu’elles renvoient vers les sites d’information leur permet de générer des revenus. « C’était l’argument mis en avant par Google en France et ailleurs, et la Cour d’appel lui fait savoir que le débat n’a plus lieu d’être puisque le législateur a déjà tranché », précise Isabelle de Silva.
Poursuite des négociations en vue
L’AC espère désormais que les « négociations entre Google et la presse vont se poursuivre et aboutir », explique Isabelle de Silva. Alors que les mesures d’avril dernier pour forcer Google à négocier étaient prises à titre conservatoire pour trois mois, elle pourrait prononcer des « injonctions définitives » si Google refusait toujours de négocier.
Cela ne semble plus être le cas. Google a fait savoir mercredi soir, dans un communiqué, qu’il accepte finalement ce principe d’un droit voisin qu’il combattait depuis plusieurs années. Les modalités restent à définir. La société précise que son offre « couvre les droits voisins tels que définis par la loi, ainsi que la participation à News Showcase, un nouveau produit lancé récemment par Google ». Un conseil de l’Apig doit, selon nos informations, se tenir ce vendredi matin. Les modalités et surtout le montant de la rémunération restent à définir avant que la presse ne puisse véritablement crier victoire.
Dans l’attente du jugement sur le fond
En Europe, la directive instaurant des droits voisins a été votée en septembre 2018 après des débats houleux. La France, moteur sur le sujet, a été le premier pays à la transposer au niveau national, en juillet 2019.
Des négociations se sont engagées mais, face à ce qu’elle estimait être un refus de Google d’entrer dans une authentique négociation, la presse a saisi l’Autorité de la concurrence. En avril, l’AC avait enjoint le géant américain de négocier de bonne foi. Google avait, depuis, fait appel de cette décision sur laquelle la Cour a désormais tranché. La société a la possibilité de se pourvoir en cassation.
« Ainsi que nous l’avons indiqué hier, notre priorité demeure l’aboutissement de nos discussions avec les éditeurs et les agences de presse français. Nous avions fait appel afin d’avoir davantage de clarté juridique sur certains éléments de la décision, et sommes en train de prendre connaissance de l’arrêt de la Cour d’appel », a répondu le groupe.
La justice doit encore trancher sur le fond : Google a-t-il abusé de sa position dominante pour ne pas rémunérer les éditeurs ? « C’est l’affaire de quelques mois, mais l’arrêt de la Cour d’appel simplifie le débat », conclut Isabelle de Silva.