Le géant américain a été sanctionné pour le non-respect d’engagements pris en 2022 sur les droits voisins. L’antitrust pointe du doigt Bard, le service d’intelligence artificielle de Google. Le groupe, lui, minimise les manquements.
Google est de nouveau mis à l’index par l’Autorité de la concurrence (ADLC) française sur les droits voisins, la rémunération des contenus des médias qui alimentent une partie du trafic sur la Toile. Le géant américain se voit infliger une amende de 250 millions d’euros pour le non-respect de certains engagements pris en juin 2022. Ces derniers mois, l’ADLC s’était penchée sur les engagements de Google notamment sur l’intelligence artificielle, comme l’avaient révélé « Les Echos ».
Cette décision est la quatrième rendue par l’ADLC en quatre ans sur le sujet épineux des droits voisins, après des combats épiques entre éditeurs de presse et géants américains de la technologie, conduisant à la loi de 2019. En 2021, l’autorité avait infligé une amende de 500 millions d’euros à Google pour avoir négocié de mauvaise foi avec les éditeurs français. Puis en 2022, elle avait accepté les engagements pris par le groupe californien. Ce sont le respect de ces engagements qui sont ici pointés du doigt.
Google se défend
De son côté, Google se défend : « On est surpris par l’amende et déçus alors que, de notre point de vue, nous avons toujours travaillé de manière constructive avec le mandataire chargé de surveiller les engagements », indique-t-on chez Google. Le groupe précise verser plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année au titre des droits voisins, et avoir des accords avec 450 publications de presse. Il souligne aussi que les griefs ne concernent que 14 éditeurs.
Pour autant, le géant de Mountain View n’a pas contesté les pratiques reprochées et a proposé des mesures correctives. « Nous avons transigé car il est temps de tourner la page », explique Google dans un post de blog, tout en jugeant le « montant de l’amende disproportionné ».
Dans le détail, l’Autorité sanctionne Google sur quatre aspects. Le premier porte sur la coopération avec le mandataire désigné pour surveiller les engagements, le cabinet Accuracy : Google n’a pas partagé toutes les informations nécessaires avec ce dernier. Le deuxième concerne la négociation de « bonne foi de la rémunération selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires ». Par exemple, la méthodologie pour rémunérer les éditeurs est jugée « opaque ». Troisième manquement : les informations transmises par Google ne permettent pas aux parties une évaluation transparente de leur rémunération.
Effectivité de l’opt-out sur l’IA
Enfin, fait significatif, l’ADLC s’est penchée sur Bard (devenu Gemini), le système d’IA de Google, lancé en juillet 2023 en France. L’Autorité a en particulier constaté que celui-ci avait utilisé aux fins d’entraînement de son modèle fondateur des contenus des éditeurs et agences de presse, sans avertir ces derniers ou l’Autorité.
Google n’a proposé une manière de s’opposer à l’utilisation des contenus que fin septembre 2023, avec l’instruction « Google-Extended ». Mais, jusqu’alors, les groupes de presse qui voulaient s’opposer au pillage de leurs contenus devaient « s’opposer à toute indexation de leur contenu par Google », y compris dans le « search », ce qui est un vrai problème compte tenu de l’importance de Google pour les médias.
L’Autorité souligne que le 10 octobre, ses services d’instruction ont constaté qu’en dépit de la balise Google-Extended sur les sites TF1 et TF1 Info, Bard continuait de répondre à des requêtes utilisant ces sites.
Le groupe a rappelé que les sites qui ont contribué à l’entraînement des modèles ne peuvent être supprimés, un modèle d’IA ne pouvant pas oublier ce qu’il a appris par le passé.
En revanche, la question de savoir si l’utilisation de publications de presse dans le cadre d’un service d’intelligence artificielle relève de la protection au titre de la réglementation des droits voisins n’a pas été tranchée à ce stade. L’ADLC précise aussi qu’elle sera particulièrement attentive à l’effectivité des mécanismes d’opt-out (permettant de s’opposer à l’utilisation de ses contenus). Déjà, des professionnels se félicitent que l’ADLC fasse le lien entre droits voisins et IA générative, qui inquiète beaucoup.
A l’heure où des organisations comme l’Alliance de la presse d’information générale entament les négociations sur les droits voisins, des accords arrivant à échéance, cette décision pourrait leur donner un coup de pouce.
« L’information fiable, sourcée et de confiance n’a pas de prix mais elle a un coût. L’Autorité de la concurrence l’a rappelé aujourd’hui à Google », a réagi la secrétaire d’Etat chargée du Numérique, Marina Ferrari, citée par l’AFP.