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Des clubs de lecture pour supporter le huis-clos

Les « book clubs » s’adaptent à la crise sanitaire. Et proposent à leurs membres de partager leur coup de cœur et de continuer à échanger grâce aux réseaux sociaux et sites de conférence en ligne.

C’était quelques mois après l’attentat contre Charlie Hebdo, survenu le 7 janvier 2015. A cette époque où l’on se sentait aussi triste qu’impuissant. Avec quelques amis, nous avons eu envie de commencer un club de lecture. Difficile de savoir si c’était par besoin de comprendre ou juste de se voir. On a lu le politologue Olivier Roy, Houellebecq et Philippe Lançon. On n’est pas sûrs d’avoir mieux compris mais on se sentait mieux.

Cinq ans plus tard, à l’idée du grand confinement, alors que nous allons tous passer plus de temps chez nous avec notre « PAL » (pile à lire), j’ai eu envie de lire La Peste, de Camus, L’Amour au temps du choléra, de Gabriel Garcia Marquez, et Le Cygne noir, de Nassim Nicholas Taleb (un essai philosophique sur l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2010), mais j’ai surtout eu envie de les lire avec mon club. Comme si un livre lu seule risquait d’être à moitié perdu.

Je ne suis pas la seule à me raccrocher à mon club de lecture en cas de coup dur. La mise en place de son groupe depuis un an, m’a dit la romancière Catherine Cusset, a été l’un des événements les plus forts pour elle ces dernières années. Tout sauf de la sociabilité mondaine, a-t-elle précisé.

Catherine Cusset – Le Problème avec Jane (Gallimard, 1999), Un brillant avenir, (Gallimard, 2008), etc. – vit à New York, où les clubs les plus prestigieux ont même des listes d’attente, voire exigent des lettres de recommandation. Leurs participants se réunissent pour discuter autour d’un livre. En France, on compte historiquement beaucoup plus de « bibliothèques tournantes », des groupes dont les membres ne lisent pas le même livre en même temps, mais se le font suivre à tour de rôle dans un temps imparti (j’ai déjà vu ma mère courir envoyer un Chronopost pour respecter sa deadline).

Dans le club de lecture de Charlotte Parlotte, le thème de février était « le huis-clos ».

Dans d’autres clubs, comme Autour des livres, qu’a monté Annie Gruyer, à Chartres, il y a six ans, on vient avec tout ce qu’on a lu récemment. « J’avais envie qu’on arrive tous avec un bouquin sous le bras, que chacun puisse venir s’exprimer ou ne pas s’exprimer. » Ceux qui ne se fixent pas de livre commun à lire trouvent ça libérateur. Les membres des clubs dans lesquels on lit tous le même livre trouvent, eux, formidable d’avoir une base d’échange.

Car si ces groupes ont des fonctionnements différents, ils ont tous néanmoins pour point commun d’être chacun convaincu d’avoir la meilleure formule. Dans les soirées mensuelles de la bookstagrameuse Charlotte Parlotte, par exemple, on choisit un livre parmi cinq autour d’un thème – ironiquement, le thème de février était « le huis clos ». Au sein de mon groupe, la personne qui reçoit choisit le livre. Surtout pas de vote, on tient à ce que cela soit un coup de cœur. Petite précision partagée par tous les parti­cipants : les mauvais livres peuvent provoquer des débats passionnants et, inversement, les bons livres ne suscitent pas forcément de bonnes discussions…

Lire : Le Monde du 20/3/20

Pascal Lenoir

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