Plusieurs start-up se disputent le marché de la protection des droits d’auteur. Leurs innovations tracent ou marquent les clichés pour apporter les preuves de paternité.
Pas moins de 3 milliards d’images sont échangées quotidiennement sur Internet et 85 % sont des copies illégales qui échappent aux droits d’auteur. Un marché colossal pour la protection de données que se disputent plusieurs technologies. A commencer par la blockchain. La jeune pousse Ipocamp a dégainé la première en créant en 2017 un service d’horodatage et de certification inviolable pour tracer n’importe quel contenu créatif : photo, vidéo, dessin, scénario, mais aussi design de mode, réplique humoristique, voire business plan. « C’est l’enveloppe Soleau revisitée par le numérique », compare le cofondateur et président de l’entreprise Arnaud Cheyssial, en référence au système élémentaire de preuve d’antériorité d’une création géré par l’Institut national de la propriété industrielle.
Pour protéger son œuvre, l’artiste n’a rien d’autre à faire que de glisser sa version digitale sur le site. Un algorithme se charge du reste. Gravées et encryptées, les créations peuvent alors être partagées en toute sécurité : quand elles sont téléchargées, sur Internet ou par messagerie, un « certificat international de consultation » est édité. Il fait foi d’accusé de réception. En cas de plagiat, le propriétaire peut apporter la preuve de sa paternité devant la justice. « Nous créons pour les œuvres un fil d’Ariane impossible à couper », assure Arnaud Cheyssial. Son entreprise revendique déjà plus de 3.000 utilisateurs et un partenariat avec La Maison des artistes offrant un tarif préférentiel à ses 16.000 membres. Elle vient aussi de conclure un accord avec l’association des agences de communication événementielle, L’Evénement, pour permettre à ses membres (65 adhérents) de protéger leurs propositions du vol d’idées. A 5 euros par dépôt ou un abonnement mensuel de 50 euros, Ipocamp espère cette année un chiffre d’affaires de 200.000 euros.
Marquage versus blockchain
Son concurrent Lamark se fonde sur une technologie de marquage – Imatag – développée par des chercheurs de l’Inria : elle incruste un code unique dans les pixels mêmes. « Ce tatouage est tenace : indélébile, il résiste aux recadrages, aux changements de couleur, aux copies d’écran… même si le fichier image ne contient plus les métadonnées d’origine qui affichent la source et l’auteur », explique son président, Mathieu Desoubeaux. C’est un robot qui se charge ensuite de scanner la presse Web et prévient le photographe ou son agence quand il constate une publication. Charge à eux de vérifier, ensuite, la légalité de la transaction et de réclamer leur dû si la photo a été utilisée sans en avoir obtenu les droits.
Plus de 11.000 comptes ont déjà été ouverts et 12 millions de clichés sont protégés et tracés quotidiennement sur une plate-forme qui indexe 10 milliards d’images publiées en ligne. Imatag travaille aussi sur les photos indexées, soit quelque 600 millions d’autres images. Protégée par trois brevets, la technologie intéresse aussi les grands diffuseurs de contenus photo et vidéo, qui cherchent également à protéger leurs diffusions. Pour attaquer ces marchés, l’entreprise a levé 1,3 million d’euros auprès d’EDD, un spécialiste de l’indexation en continu des médias français qui veut élargir son champ de marquage des contenus de ses applications d’automatisation de la reconnaissance et de la valorisation des droits. Lamark prévoit 500.000 euros de chiffre d’affaires cette année.