Les économistes se félicitent d’avoir réussi en vingt ans, grâce à l’exploitation des données, leur «révolution de la crédibilité». Les travaux académiques font en effet désormais la part belle à l’empirisme, reléguant les questions théoriques au second plan. Ce qui ne les éloigne pas de la politique.
Comment reconnaît-on un économiste star? À l’influence de ses écrits dans le débat public mais aussi à la force de frappe de son laboratoire. Vedette (tout à fait modeste) de cette nouvelle génération big data, le professeur à Harvard Raj Chetty dirige ainsi une équipe de jeunes chercheurs qui, se comparant volontiers à des médecins, s’attaquent à des questions sociales ou économiques de fond, comme les inégalités ou le changement climatique. Ils s’appliquent à quantifier leurs réponses grâce à l’exploitation des données issues des administrations, des objets connectés, des paiements en ligne… Quelques mois après l’élection de Donald Trump, Chetty faisait ainsi la une de la presse outre-Atlantique avec son étude sur le déclin du rêve américain où il chiffrait l’enlisement de la mobilité sociale.
La bascule de la science économique de la théorie vers l’expérimental, baptisée un peu pompeusement par les intéressés de «révolution de la crédibilité», fut progressive. Selon l’économiste américain Daniel Hamermesh, plus de la moitié des articles dans les années 1970 traitaient de pure théorie: de l’offre et de la demande, de l’efficience du marché… quand ces thèmes ne mobilisaient déjà plus au début des années 2010 que 19% des publications. L’Académie royale des sciences de Suède a même acté ce tournant en remettant en 2021 le prix Nobel d’économie à David Card, Joshua Angrist et Guido Imbens, trois figures de l’approche expérimentale de l’économie…