Le média féministe créé en 2009 tourne la page du papier, dont le coût a flambé et pèse sur ses comptes, et fait le pari de se transformer en « pure player » numérique. Un virage audacieux, grâce auquel le journal espère élargir son audience.
Virage stratégique radical pour le magazine « Causette ». Le mensuel féministe créé en 2009 cesse sa parution papier pour devenir un média 100 % numérique. Le numéro d’octobre est le dernier à être distribué en kiosques et dans les boîtes aux lettres des abonnés. « Tout ce que vous retrouviez tous les mois dans ‘Causette’ sera désormais disponible sur notre site », indique Christine Turk, la directrice de l’éditorial et du numérique du journal.
Plusieurs facteurs ont motivé cette décision, à commencer par le renchérissement des coûts de production. « Le prix du papier qui s’est envolé ces derniers mois a pesé sur nos comptes, occasionnant un surcoût de plus de 150.000 euros par an », précise la dirigeante, qui souligne aussi les difficultés de la distribution dans les kiosques, de plus en plus nombreux à fermer. « Nous sommes presque à l’équilibre, mais le fait d’absorber ces coûts imprévus nous a mis dans une certaine fragilité qui ne laissait plus le droit à l’erreur, ce n’était pas tenable », convient-elle.
Le magazine d’information féministe, reconnu comme publication d’information politique et générale (IPG), a aussi voulu s’adapter à l’évolution des usages, de plus en plus numériques. « Nous avons envie de continuer notre combat pour défendre la cause des femmes et de pouvoir parler au plus grand nombre, en étant présent en ligne, sur l’ensemble des plateformes sociales et en faisant de la vidéo, ce qui nécessite des investissements », pointe-t-elle.
Equipe inchangée
L’équipe du journal reste la même, avec 9 salariés dont 8 journalistes. Les compétences vidéos seront recherchées en externe. Le magazine retravaille son identité sur Instagram et Facebook, prépare son arrivée sur TikTok et Snapchat et s’apprête à dévoiler très bientôt une nouvelle version du site qui devient un vrai site d’information, alimenté au quotidien.
Certains contenus seront accessibles gratuitement, mais le journal mise avant tout sur un modèle d’abonnement (à 4,99 euros mensuels), complété par des dons des lecteurs et lectrices sur la plateforme Okpal, via l’association J’aime l’info. Les actuels abonnés papiers basculeront automatiquement sur l’offre numérique. Le journal espère aussi séduire les annonceurs en ligne, alors que la publicité apportait jusqu’ici environ 10 % des revenus.
« Causette » ne communique pas sur son nombre d’abonnés ni sur sa diffusion depuis 2018, année de sa reprise par le groupe Hildegarde (fondé par Reginald de Guillebon et maison mère du « Film français » et de « Première »). Le mensuel était alors en liquidation judiciaire. Selon l’ACPM, il circulait en 2018 à environ 40.000 exemplaires. Selon sa directrice éditoriale, la diffusion du titre est restée stable ces dernières années.
Ce virage numérique permettra-t-il à ce titre pionnier dans la couverture du féminisme, un sujet dont beaucoup d’autres médias se sont emparés ensuite, d’élargir son audience ? « Nous allons peut-être perdre certains lecteurs et lectrices, mais nous pensons en gagner de nouveaux, parmi ceux qui ont déserté la presse papier. Notre bassin d’audience est extrêmement large », considère Christine Turk, pour qui le pari est « ambitieux, mais raisonné ».
Lire : Les Echos du 27 septembre