Le texte, négocié d’arrache-pied à Bruxelles malgré le lobbying des Gafa, redéfinit ce que tirent les plateformes du trafic généré par des oeuvres protégées par les droits d’auteur, comme la musique et les films. Bientôt hors de l’Union, Londres lui préfère
un dispositif local.
C’est l’une des conséquences du divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Alors que Londres avait été l’un des acteurs à la pointe du combat concernant l’adoption de la directive européenne sur les droits d’auteur , l’exécutif vient d’écarter l’idée d’une transposition en droit britannique, à quelques jours du Brexit.
« Le Royaume-Uni ne sera pas tenu de mettre en oeuvre la directive, et le gouvernement n’a pas l’intention de le faire. Toute modification future du cadre britannique du droit d’auteur sera examinée dans le cadre d’un processus de politique intérieure », a déclaré en fin de semaine dernière le ministre Christopher Skidmore. Les Etats membres avaient jusqu’au 7 juin 2021 pour mettre en oeuvre la directive.
Négocié d’arrache-pied à Bruxelles malgré le lobbying massif des Gafa et l’opposition des défenseurs d’un Internet libre, le texte redéfini ce que tirent les grandes plateformes du trafic généré par des oeuvres protégées par droit d’auteur, comme les morceaux de musique, les programmes de télévision, les films ou encore les articles de presse.
Deux articles phares
Au coeur du dispositif, l’article 11 créé un droit voisin pour les éditeurs de presse , obligeant des entreprises comme Google à les rémunérer lorsque leurs contenus sont repris dans des services comme Google News.
Plus discuté encore, l’article 13 dispose que les plateformes comme Youtube, Dailymotion ou encore Soundcloud peuvent être tenues responsables des contenus publiés par leurs utilisateurs et protégés par les droits d’auteur. Il prévoit aussi la mise en place par les plateformes de méthode de filtrage pour empêcher la mise en ligne de contenus protégés.
Une mesure largement critiquée par les défenseurs de la libre expression sur Internet, y voyant un outil de censure généralisé. Des ajustements à la loi permettront néanmoins l’utilisation d’extraits d’oeuvre et notamment pour réaliser des « mèmes » Internet, lorsque ceux-ci sont « à des fins de citation, de critique, de caricature, de parodie et de pastiche ».
Boris Johnson sceptique depuis l’origine
D’abord comme député, puis comme locataire du 10 Downing Street, Boris Johnson n’a jamais caché son opposition au texte. « La nouvelle loi européenne sur les droits d’auteur est terrible pour internet. Il s’agit d’une loi européenne classique destinée à aider les riches et les puissants, et nous ne devrions pas l’appliquer. C’est un bon exemple de la manière dont nous pouvons reprendre le contrôle. », déclarait-il ainsi en mars 2019 sur le réseau social Twitter.
Parmi les membres du gouvernement, il en est pourtant qui soutiennent le dispositif. C’est le cas de Nigel Adams, ministre de la Culture, qui avait confirmé en début de semaine soutenir « les objectifs généraux de la directive sur le droit d’auteur ». « Il est absolument impératif que nous fassions tout notre possible pour protéger nos brillants créateurs, ainsi que les consommateurs et les droits des utilisateurs qui consomment de la musique », jugeait ce dernier, dans des propos rapportés par la Music Producers Guild.
Depuis l’annonce du retrait, le PRS for Music’s (équivalent britannique de la Sacem) a demandé des clarifications au gouvernement pour savoir comment ce dernier compte protéger les artistes.
Lire : Les Echos du 28 janvier