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Au Liban, le paysage des quotidiens papiers se limite désormais à huit publications

État des lieux de la presse quotidienne papier au Liban, sur base d’une étude réalisée par la Fondation Samir Kassir.

Le quotidien arabophone Nida’ el-Watan vient d’être racheté par Michel Gabriel Murr, PDG de la chaîne locale télévisée MTV, dont la ligne politique, proche du 14 Mars et des Forces libanaises, également opposée au Hezbollah, est axée sur la défense du Liban et de sa souveraineté.

L’occasion pour L’Orient-Le Jour de dresser un état des lieux du paysage de la presse quotidienne écrite au Liban, sur base d’une étude détaillée réalisée par la Fondation Samir Kassir. Un paysage qui s’est considérablement rétracté depuis le développement des réseaux sociaux et des médias en ligne au Moyen-Orient, la crise libanaise depuis 2019 et l’effondrement des recettes publicitaires.

Sur les 110 médias imprimés autorisés, le pays du Cèdre ne compte plus aujourd’hui que huit quotidiens papier (également publiés en ligne), dont un seul francophone, L’Orient-Le Jour. Les autres sont tous arabophones.

Voici, outre L’Orient-Le Jour, les quotidiens publiés en papier et en ligne, en 2024, par ordre alphabétique :

« Ad-Diyar »

Ad-diyar est publié pour la première fois en 1941 en tant que quotidien politique arabe. En 1988, il est repris par le journaliste et ancien colonel de l’armée Charles Ayoub, mais est fermé pour trois jours, en janvier 1990, par le Premier ministre de l’époque, Michel Aoun, en raison des positions politiques de son fondateur.

Le quotidien est en effet connu pour être favorable au régime syrien. Charles Ayoub, ancien du Parti socialiste nationaliste syrien qui croit en la Grande Syrie par opposition à l’indépendance du Liban, a même confirmé avoir reçu des fonds du régime syrien. La publication est en revanche indépendante des interférences partisanes de l’organisation. Charles Ayoub en est le président du conseil d’administration et le rédacteur en chef.

Ad-Diyar est publié par al-Nahda SAL, presque entièrement détenue par Charles Ayoub (98,6 %). 1,4 % des actions d’al-Nahda SAL sont détenues par Kingdom Holding SAL, qui appartient à la famille Solh, branche libanaise du conglomérat saoudien Kingdom Holding détenu à 95 % par le prince al-Walid ben Talal.

« Al-Akhbar »

Fondé par le journaliste Joseph Samaha (1949-2007), le premier numéro d’al-Akhbar est publié le 14 août 2006 par la société de médias Akhbar Beyrouth, après avoir acquis la licence d’un journal également nommé al-Akhbar, fondé en 1953.

Quotidien pro-Hezbollah et prorégime syrien, il s’oppose généralement à l’Arabie saoudite, aux États-Unis et à l’alliance du 14 Mars. Son rédacteur en chef est Ibrahim el-Amine, également fondateur et président d’Akhbar Beyrouth. Ses actionnaires sont Ibrahim el-Amine, Youssef Wehbi et The Sun Press SAL (le député Moustapha el-Husseini, son fils Firas et sa fille Dima).

En décembre 2010, le site web du quotidien est piraté après publication de câbles du département d’État américain révélés par WikiLeaks. En 2016, al-Akhbar et son fondateur sont condamnés par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) de La Haye à des amendes pour outrage au tribunal et obstruction à la justice après la publication de deux articles prétendant révéler des informations confidentielles sur des témoins protégés.

En 2019, al-Akhbar est touché par une vague de démissions, en guise de protestations contre la couverture par le journal des mouvements populaires contre la classe dirigeante au Liban. En 2021, Pierre Abi Saab, rédacteur en chef adjoint du journal, démissionne à son tour.

« Al-Joumhouriya »

Al-Joumhouriya est fondé en 1924 par le journaliste Saji’ Asmar. Après des années d’interruption à cause de la guerre civile libanaise dès 1975 et deux tentatives ratées de reprise en 1985 et en 2005, le quotidien est relancé en 2011 par l’ancien ministre de la Défense, Élias Murr.

La publication est située dans le même bâtiment que le siège de son père, feu le vice-Premier ministre Michel Murr, également grand-père de la PDG du journal an-Nahar, Nayla Tuéni. Le fils d’Élias Murr, le député Michel Élias Murr, en est le président du conseil d’administration et Georges Soulage le rédacteur en chef.

Lors des élections législatives de 2022, Michel Élias Murr remporte le siège parlementaire orthodoxe de la circonscription du Metn Nord, détenu par son grand-père et homonyme, feu Michel Murr père, pendant des décennies jusqu’à sa mort.

Le 12 juillet 2021, le journal annonce son expansion dans le monde des nouveaux médias en lançant « al-Joumhuriya TV », spécialisée dans les affaires intérieures libanaises.

« Al-Liwa’ »

Quotidien politique fondé en 1963 par Abdel Ghani Salam, al-Liwa’ est favorable à l’alliance du 14 Mars et opposé à l’alignement politique du Hezbollah au Liban, y compris sa politique étrangère et ses affaires militaires intérieures, notamment son intervention en Syrie et sa domination militaire au Liban.

Le journal comprend une section intitulée « Islamiyyat » qui traite de sujets religieux islamiques. Adnan Ghalayini en est le directeur administratif et Salah Salam le rédacteur en chef. Il est publié en arabe à Beyrouth par Dar al-Liwaa’ for Press and Publishing.

Les trois filles de Salah Salam, Nisrine, Sirine et Nadine, détiennent 98 % des actions. Salah Salam et son épouse Najwa en détiennent également 1 %.

« An-Nahar »

L’un des plus anciens quotidiens politiques libanais, an-Nahar est fondé par l’ambassadeur Gebran Tuéni. Sa première publication date du 4 août 1933. Le fils du fondateur, Ghassan, rejoint la salle de rédaction de 1948 à 1999. Il devient l’un des journalistes les plus en vue du Liban, assumant même des fonctions diplomatiques, parlementaires et ministérielles. Le fils de Ghassan, Gebran, suit également cette voie jusqu’à son assassinat dans un attentat à la voiture piégée le 12 décembre 2005, après avoir été élu député de Beyrouth et affiché des positions antirégime syrien. Six mois plus tôt, le 2 juin 2005, l’éditorialiste d’an-Nahar Samir Kassir est assassiné dans des circonstances similaires.

En 2009, le journal traverse une crise financière. Il licencie plus de 50 employés. La même situation se reproduit en 2016. En janvier 2019, an-Nahar lance sa Web TV.

Nayla Tuéni, ancienne députée et fille de Gebran, est directrice générale et rédactrice en chef du journal. Ghassan Hajjar en est le directeur de la publication.

El-Shark

Fondé en 1926, el Shark est l’un des plus anciens journaux du Liban. Sa ligne éditoriale soutient l’alliance du 14 Mars et le courant du Futur, opposés à l’alignement politique du Hezbollah dans le pays. Son patron, le journaliste libanais Aouni el-Kaaki, président de l’ordre de la presse libanaise depuis 2015,  est président du conseil d’administration. Khalil Khoury en est le rédacteur en chef.

Malgré l’orientation générale du journal, Aouni el-Kaaki semble être en contact étroit avec tous les partis et forces de l’establishment dans le pays.

Le quotidien est enregistré en tant qu’« entreprise individuelle ». Aouni el-Kaaki est également propriétaire de Nadine, un magazine hebdomadaire à caractère social et à potins.

« Nida’ el-Watan »

Le quotidien est fondé par Henri Sfeir au début des années 1990. Il cesse de paraître en 2000 en raison de problèmes financiers. En 2012, la rumeur se répand que Nagib Mikati, alors Premier ministre, avait racheté la licence « Nida’ el-Watan », mais la transition n’est pas concrétisée.

Six ans plus tard, l’homme d’affaires Michel Mecattaf rachète la licence du journal, qui reprend sa publication le 1er juillet 2019. Nida’ el-Watan est désormais la propriété de la société Free Media Company SAL. La publication se présente alors comme un journal politique indépendant et souverain et joue un rôle de taille dans la diffusion des principes de liberté, de souveraineté, de démocratie et de droits de l’homme. Le journaliste Béchara Charbel en est le rédacteur en chef et Georges Berbery le directeur général.

Le 18 mars 2022, Michel Mecattaf, propriétaire de la Mecattaf Exchange Company et éditeur du journal Nida’ el-Watan, décède à la suite d’une crise cardiaque. En mars 2024, la publication annonce qu’elle ne publiera plus de version papier. Jusqu’à son récent rachat.

 

Lire : L’Orient – Le Jour, publié le 24 juillet

 

Jean-Philippe Behr

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