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Au fait, c’est quoi la risographie ?

Non, la risographie n’est pas la science du rire ni un terme médical, mais bien une technique d’impression, inventée au Japon il y a plus de 70 ans. Depuis 2017, cet audacieux mélange des genres a trouvé sa place dans la Vienne, au cœur d’un atelier de graphisme installé à quelques kilomètres de Poitiers.

Dans son petit atelier de Ligugé, à quelques kilomètres de Poitiers, Flore Marquis réveille une imprimante un peu particulière. Branché à un ordinateur portable et coincée entre des cartons et une dizaine de boîtes à cartouches d’encres colorées, la grosse Riso est une pièce maîtresse dans son travail de graphiste.

Une technique créative

Sur les murs de la pièce qu’elle a investie en 2017, des cadres colorés montrent l’étendue des possibilités créatives, où les couleurs se superposent les unes aux autres avec plus ou moins de précision. « Pour chaque impression il faut des copies de test, ça évite les catastrophes », sourit Flore. Et des catastrophes, la graphiste en a eu son lot, de problèmes de calibrages en passant par le papier bloqué ou de l’encre dans tous les sens. Et si cette technique d’impression n’est pas de tout repos, c’est parce qu’elle résulte d’un procédé bien particulier, inventé au Japon dans les années 50.

Selon la définition générique, la risographie est « une impression en ton direct et à froid ». « Concrètement, ma machine ne peut imprimer qu’une couleur à la fois, et il faut un papier spécifique pour supporter l’encre. » Une encre produite à base d’huiles végétales, de soja ou de riz, bien éloignée des encres d’imprimerie. « Comme pour la peinture à l’huile, les couleurs sont particulièrement brillantes, précise Flore. Mais c’est aussi beaucoup plus long à sécher. »

La graphiste doit choisir des papiers épais, plus souvent utilisés dans les arts plastiques que dans la communication, comportant un maximum de fibres végétales. « Si le papier est trop fin ou glacé, l’encre ne pourra pas pénétrer et ne séchera pas. Il faut compter, en général, 24 à 48 H de pose. » Sans oublier que les couleurs sont disposées séparément, puisque la machine ne peut contenir qu’une cartouche à la fois. « Parfois on a envie d’aller plus vite, avoue Flore, mais c’est en prenant le risque que certaines couleurs bavent car elles n’auront pas eu le temps de sécher. » Sur ses doigts, les taches colorées parlent d’elles-mêmes.

Des couleurs vives

Sur certaines cartes postales, des traits rosés ou bleutés à des endroits inattendus rappellent la difficulté d’obtenir un résultat parfait. Mais après tout, la perfection, ce n’est pas ce qui a attiré Flore vers cette technique si particulière. « J’ai découvert la risographie lors d’un passage à Marseille, en visitant l’exposition d’un risographe, organisée par l’association Fotokino. Ça a été un véritable coup de cœur », se souvient la graphiste. Les couleurs éclatantes, presque fluorescentes, la simplicité plastique du rendu final et la créativité qui s’en dégage sont autant d’éléments qu’elle continue de chérir. Peut-être aussi car il a fallu se battre pour monter cet atelier.

« Ça a été le parcours du combattant pour se procurer ce bijou », raconte Flore en riant. Produites par le géant japonais Riso, ces duplicopieurs valent une petite fortune. Mais pour cette travailleuse indépendante, la liberté offerte par cette machine n’a pas de prix. « Cet outil me permet d’avoir la main sur mon travail, de la conception graphique jusqu’à l’impression du support de communication, explique-t-elle. C’est le rêve de tout graphiste. » A 42 ans, cette indépendante s’émerveille toujours d’être « comme un boulanger, qui pétrit son pain et va ensuite le livrer à ses clients. »

La difficulté de l’entrepreneuriat

Travailler à son compte, c’est aussi assumer un investissement financier et physique de grande ampleur. Environ 40 000 euros pour se lancer dans l’aventure de la risographie. Et la difficulté de trouver des contrats. « L’imprimerie est un milieu très concurrentiel, admet Flore. On peut faire imprimer pour quelques euros à l’autre bout du monde. Forcément, avec des matériaux plus écologiques et le temps que j’y passe, mes tarifs sont bien supérieurs. »

Au fil du temps, toutefois, l’ancienne graphiste du service de communication du rectorat de Poitiers a trouvé sa clientèle. Des « militants » à ses yeux, prêts à mettre plus de moyens dans leurs brochures pour soutenir une production locale. Pour compléter le chiffre d’affaires, Flore doit aussi réaliser des impressions offset, la technique d’impression standard, en « style riso », pour garder l’esprit de son travail en s’adaptant à tous les supports papiers. « Le plus important c’est de produire localement, soutient Flore. Je ne travaille qu’avec des imprimeries de la région, si possible du département. » Pour le moment, le duplicopieur japonais sert donc essentiellement à la création de cartes postales, œuvres d’art et brochures en quantité très limitées.

Mais déjà Flore Marquis se sent à l’étroit dans son atelier, débordant de matériel et d’idées. Dès qu’elle en aura l’occasion, elle s’installera dans un espace plus grand. En attendant, ses mains continuent de glisser tous les jours sur sa tablette de graphisme pour répondre aux demandes de ses clients. Finalement, pour cette graphiste originale, plus qu’une technique d’impression, la risographie représente un art de vivre.

 

Lire (et voir) : France3 Nouvelle Aquitaine du 24 juillet

Illustration : © maisonriso.fr

Jean-Philippe Behr

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