L’aventure de James Daunt impliquait quelques acrobaties : reprendre Barnes & Noble, la plus grande enseigne de librairies américaines, le défi était immense. Surtout quand un Britannique se voit confier le sort d’établissements ayant perdu 700 millions $ de chiffre d’affaires depuis 2015. Et qu’en face, Amazon prend toujours plus de place.
Comme d’autres, Daunt a dû composer avec la pandémie, et avec son actionnaire, Elliott Advisors (propriétaire depuis avril 2018). Mais le PDG a une expérience propre : il avait fondé sa propre chaîne, Daunt Books, de librairies indépendantes, avant de prendre la direction générale de Waterstones — autre chaîne, propriété d’Elliott Advisors —, basée au Royaume-Uni. Et le redressement selon Daunt passerait par une plus grande proximité, tant des gérants de librairies, que vis-à-vis du public.
Libraire VS vendeur de livres
Lucide, il reconnaît que pour l’heure, cette stratégie n’a pas fonctionné. En revanche, l’épidémie Covid a permis d’enclencher une refonte des magasins, avec notamment un nouveau parcours client repensé — ne plus stocker les mangas derrière les livres d’histoire, un non-sens, par exemple.
Et surtout, décentraliser l’organisation, calquée sur le modèle new-yorkais : désormais, les employés sont invités à aménager les lieux comme s’ils en étaient les propriétaires. Une méthode qui découle de son expérience chez Waterstones : l’autonomisation des équipes. « Cela transforme une chaîne de librairies, vastes et impersonnelles, en un ensemble de librairies dynamiques et motivées. »
Or, s’il a un certain sens de la gestion, il l’avoue : « Je n’ai jamais été libraire. Les revendeurs sont des spécialistes — ceux qui réussissent ont tendance à le devenir. Amazon n’est pas un libraire, c’est un vendeur de livres, et la différence entre les deux est réelle. » De fait, quand on sait ce que l’on cherche, l’obtenir sur Amazon est extraordinairement simple. « Mais ce n’est pas ce qui fait une librairie. »
À l’image d’une bibliothèque — la carte de crédit en plus — la librairie doit incarner un espace de découverte, de rencontre et de hasard. « Cela découle naturellement de l’indépendance de la librairie et pour cette raison, les gens qui y travaillent sont d’une importance capitale. » Et si Amazon reste un concurrent, il s’éloigne de la vente de livres dans sa communication. Reste alors à Barnes & Noble à consolider la place qu’il peut encore avoir dans le cœur des lecteurs…