La jeune femme de 35 ans est l’une des dernières Françaises à la tête d’un moulin à papier, celui de la Tourne, en Savoie. Fabriquées à l’aide d’un savoir-faire séculaire, presque anachronique, ses feuilles délicates suscitent un engouement croissant auprès de grands chefs, d’artistes et de maisons de luxe.
Le lieu a 500 ans, son âme à peine 35. L’âge d’Amandine Félix qui, depuis 2009, fait revivre le Moulin de la Tourne, aux Marches, près de Chambéry. Où se situe l’anachronisme ? Dans ces pierres suintantes d’humidité et d’histoire ou dans cette jeune Savoyarde pleine de peps qui les a investies voilà treize ans ? Il y a aussi comme un hiatus entre cette enfant d’Internet et la vieillerie qu’elle s’échine à fabriquer : du papier. Oui, du papier ! Cette matière vouée à une obsolescence programmée. Cet archaïsme que tous les experts ou les gens simplement doués de raison promettent à une fatale disparition. Exit, ce support vieux de deux mille ans ! A jeter dans les poubelles de l’histoire !
Mais des augures, Amandine Félix n’a cure. A vrai dire, être à contre-courant, faire la nique aux idées préconçues ne semble pas déplaire à cette forte tête. La flibustière croit au papier. Elle aime le contact physique avec cette pâte dont la recette vient tout droit de l’Antiquité, sans la moindre compromission à la modernité. Elle s’obstine à mettre un mois à fabriquer une feuille quand un e-mail peut arriver au bout du monde en un quart de seconde. « Le papier parle avant même qu’on écrive dessus, justifie-t-elle. Jamais le numérique ne pourra totalement le remplacer. » Il ne mourra pas. Elle en est certaine. Il y a du défi dans sa voix.
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