L’étude commandée par le ministère de la Culture et le secrétaire d’Etat au Numérique est très critique du duopole Google-Facebook dans le secteur. Elle recommande des actions vigoureuses, à l’échelle européenne, mais aussi en coordonnant les actions des autorités telles que le CSA et la CNIL avec l’antitrust.
C’est un nouveau front ouvert contre Google et Facebook. Le comportement des deux géants américains, qui dominent le marché de la publicité en ligne, est vivement critiqué dans un rapport remis au gouvernement intitulé « Publicité en ligne : pour un marché à armes égales » et consulté par « Les Echos ». Il s’agit de l’aboutissement d’une mission confiée début juillet à deux inspecteurs des finances et un conseiller à la Cour des comptes par la ministre de la Culture et le secrétaire d’Etat au Numérique.
L’étude de 125 pages détaille le fonctionnement complexe des différents secteurs de la publicité numérique : search (publicité dans les résultats des moteurs de recherche) et display (affichage de bannières et de vidéos). Elle dresse un constat connu, mais qui ne fait que se renforcer : la forte domination du duopole Google/Facebook, qui capte « 75 % du marché de la publicité digitale et 90 % de la croissance du secteur » et met en danger le modèle économique des médias traditionnels.
Pour les auteurs, les taxes et autres transferts de revenus comme les droits voisins ne peuvent être que des solutions « palliatives » insuffisantes pour résoudre le déséquilibre fondamental avec les grandes plateformes.
Des mesures drastiques
Les auteurs font donc des propositions de renforcement de la régulation, afin de rétablir des règles du jeu équitables entre les différents acteurs de la publicité. Ils suggèrent d’aligner les contraintes pesant sur les géants du numérique et les autres acteurs, voire de soutenir certaines initiatives comme la création d’identifiants uniques par les éditeurs pour faire contrepoids aux « environnements logués » de Google et Facebook.
Le rapport préconise aussi de « cibler les sources du pouvoir » du duopole en empêchant le croisement de données collectées sur différents services ou en contraignant les plateformes à partager ces précieuses données avec des tiers.
Pour mettre en application ces mesures drastiques, les auteurs du rapport préconisent de doter les autorités de concurrence de nouveaux pouvoirs – notamment au niveau européen -, ce qui sera sans doute l’ambition du Digital Markets Act qui sera présenté la semaine prochaine par la Commission européenne.
A l’échelle française, ils plaident pour une meilleure coordination entre les autorités comme le CSA ou la CNIL avec l’Autorité de la concurrence afin que leurs analyses – dans le cadre des enquêtes RGPD pour la CNIL, par exemple – prennent davantage en compte l’aspect concurrentiel. « Il s’agit de prévoir explicitement ce qui se passe déjà, pointe Isabelle de Silva, la présidente de l’Autorité de la concurrence. Nous menons actuellement plusieurs enquêtes sur le secteur de la publicité en ligne, qui devraient aboutir pour certaines début 2021, et pour lesquelles nous avons sollicité l’avis de la CNIL. »
L’Autorité de la concurrence avait déjà conduit une enquête sectorielle en 2018 sur la publicité en ligne. Fin 2019, Google avait écopé d’une amende de 150 millions d’euros pour des entorses à la concurrence sur le sous-marché du « search ». Le rapport au gouvernement vient appuyer son analyse et renforcer l’impression qu’inexorablement, l’étau se resserre sur Google et Facebook.
Lire : Les Echos du 9 décembre
Télécharger : le rapport (125 pages)