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La stratégie de ces médias qui ne connaissent pas la crise

La presse est en crise ? Pas pour tout le monde. Certains médias arrivent à tirer leur épingle du jeu et affichent même de bons résultats. Passage en revue de leur stratégie.

 

The Guardian

Stratégie : le membership

 

À mi-chemin entre la formule gratuite et un système d’abonnement, le Guardian est LE modèle sur lequel tout le monde lorgne. Ses enquêtes menées sur Cambridge Analytica ou les Paradise Papers lui valent la reconnaissance du public et son contenu reste accessible à tous. Pour rester gratuit, le journal britannique a mis en place avec succès un système de « membership », que l’on pourrait traduire par « adhésion ». Pour cela, le média propose deux formules à 50 et 150 livres par an qui nous font bénéficier d’articles premiums, de livres ou de places pour des rencontres et des masterclass. Enfin, le journal propose aux lecteurs de faire des donations à partir de 1 euro sur chaque article. Résultats : le Guardian est passé de 15 000 adhésions en 2016 à plus de 675 000 membres en mai 2019, sans compter les 375 000 dons uniques. Récemment le groupe qu’il forme avec The Observer a annoncé un bilan positif de 800 000 livres sur l’année 2018-2019. Belle réussite dans un contexte de déclin.

 

Mediapart

Stratégie : l’abonnement

 

Le pure player fondé en 2010 par François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiéjan, était l’un des rares à avoir misé sur un modèle payant. Pour 110 euros par an, le média promet surtout une indépendance éditoriale et des enquêtes qui mettent à mal le pouvoir politique. Au cours de l’année, le journal s’est d’ailleurs illustré dans sa couverture sur l’affaire Macron-Benalla. En 2010 et 2015 c’étaient les affaires Woerth-Bettencourt et l’affaire Cahuzac qui avaient rythmé la vie de la rédaction. Mediapart reste toutefois critiqué, notamment à cause de la présence de Xavier Niel au sein de son capital. La rédaction insiste sur le fait qu’elle n’est pas en contact avec l’industriel et se permet même d’enquêter sur son école 42. Cependant, beaucoup de gens s’interrogent sur la réelle indépendance du média. En attendant, ce questionnement n’empêche pas son nombre d’abonnés d’augmenter. Démarré avec un peu moins de 47 000 membres, le site revendique en 2019 plus de 150 000 abonnés. La rédaction comprend aujourd’hui 87 salariés en CDI, dont 47 journalistes.

Le New York Times

Stratégie : un paywall « intelligent »

 

D’ici quelques semaines le site du New York Times devrait atteindre les 3 millions d’abonnés payants en ligne. Son secret ? La mise en place d’un paywall depuis 2011 qui a petit à petit réduit le nombre d’articles gratuits. De 20 papiers par mois, la barrière est passée à seulement 5 articles en accès libre. S’ajoute à cela une rédaction de 1 300 personnes dédiées à la partie numérique du journal et qui, malgré les moments difficiles, n’a jamais diminué. Enfin, et c’est la partie la plus amusante, la hausse du nombre d’abonnés pourrait bien être due à Donald Trump himself. Quand le président américain est arrivé au pouvoir en 2016, le journal ne comptait que 1,5 million de membres. Grâce à une ligne éditoriale claire et opposée à la politique du président, ce chiffre a tout simplement doublé en deux ans.

Le Huffington Post

Stratégie : pub et accroches tape-à-l’œil

 

Conçu comme un média participatif, le Huffpost peut se targuer d’avoir la forme. En 2017, son président français Louis Dreyfus annonçait à l’AFP que le site réalisait 300 000 euros de bénéfices pour 7 millions de visiteurs uniques par mois. Complètement gratuit, le média ne compte que sur la publicité en ligne et le brand content pour se rémunérer. Pour attirer autant de monde, le journal oscille entre des articles de fond plutôt sérieux et des papiers plus sensationnalistes avec des accroches parfois jugées « putaclic ». Après tout, on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre.

 

Canard PC

Stratégie : proximité avec sa communauté de lecteurs et crowdfunding

 

Alors que la presse magazine du jeu vidéo connaît un passage à vide, un média continue de résister et a même explosé des records en matière de financement participatif. Il s’agit de Canard PC, un titre lancé en 2003 et qui a réalisé au cours de sa vie deux campagnes réussies. La première, en 2016, sur Kickstarter pour lancer un site internet, lui a permis de réunir 60 000 euros en l’espace de 5 heures puis le double 24h plus tard. Début 2018, rebelote, le média lance une campagne de dons sur Ulule afin de survivre à l’affaire Presstalis. Endetté à plus de 37 millions d’euros, le distributeur décide de retenir un quart de la somme qu’elle doit à ses clients. Pour conserver son équilibre, le magazine demande 100 000 euros à ses lecteurs. La communauté va lui apporter le double, permettant au média de survivre pour les années à venir. Le secret du magazine réside bien évidemment dans son indépendance éditoriale (assez rare dans la milieu de la presse vidéoludique), mais aussi dans sa proximité avec les lecteurs avec qui la rédaction discute régulièrement sur un forum dédié.

 

Lire : L’ADN du 28 mai

 

Jean-Philippe Behr

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