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Pour la rentrée littéraire, les éditeurs jouent encore la carte de la sobriété

Avec seulement 459 sorties de romans en cette rentrée littéraire, selon « Livre Hebdo », le nombre de nouveautés affiche une baisse pour la troisième année de suite. Depuis le Covid, les éditeurs se font de plus en plus sélectifs, mais comptent toujours sur ce moment phare pour relancer leurs ventes, après un premier semestre plutôt maussade.

« Less is more. » Cette année encore, le secteur de l’édition française reste fidèle à l’adage de l’architecte allemand Mies van der Rohe. Selon le décompte annuel publié par « Livre Hebdo », 459 nouveaux romans seront proposés en cette rentrée littéraire, contre 466 l’an passé .

« Editer, c’est choisir ; beaucoup de maisons sont désormais dans cette logique », souligne Philippe Robinet, le directeur général de Calmann-Lévy, qui a ainsi décidé depuis trois ans de ne publier qu’un seul premier roman à la rentrée. « Chaque éditeur essaie d’offrir une proposition éditoriale qui lui correspond », ajoute-t-il. Sans se disperser. Calmann-Lévy met ainsi l’accent cette année sur le thème de la famille.

Cette légère baisse de 1,5 % des parutions littéraires poursuit un mouvement engagé par les éditeurs dans la foulée du covid. Le nombre de romans publiés à la rentrée littéraire a chuté en 2022 (490 contre 521 en 2021, -6 %) puis à nouveau en 2023 (466, -5 %). Toutefois, selon le Syndicat national de l’édition (SNE), la rentrée littéraire continue de représenter 5 à 10 % de la production annuelle de romans.

Décrue progressive

« Lors de la crise du Covid, nous avons resserré le nombre de parutions à cause de l’augmentation des coûts de production liés à l’inflation du prix du papier. On s’est rendu compte à cette occasion que l’on pouvait faire le même chiffre d’affaires en publiant moins », explique Cécile Boyer-Runge, directrice générale des éditions Points (groupe Média-Participations). « L’édition est une économie qui s’est durcie, et les coûts ne peuvent pas être répercutés sur les prix, sinon le public ne suivra pas », complète Renaud Lefèbvre, le directeur général du SNE.

« La demande est aussi venue des libraires, ajoute Manuel Carcassonne, le directeur général des éditions Stock. Ils ne peuvent pas lire, mettre en avant et absorber dans leur espace de vente une trop large production littéraire. L’idée est donc de publier moins, mais de mieux mettre les livres en avant. »

La décrue restera toutefois difficilement perceptible à l’oeil nu sur les étalages des librairies, qui doivent recevoir une centaine de nouveautés ne serait-ce que les 21 et 22 août. « Même si le nombre de parutions de cette rentrée peut paraître un point bas, nous avons toujours en France la chance d’avoir une proposition de livres très large par rapport à d’autres pays, notamment grâce à la loi Lang sur le prix unique du livre qui a permis de conserver un réseau de libraires et un nombre d’éditeurs très importants » souligne Philippe Robinet.

Valeurs sûres au programme

Aucun rouleau compresseur n’émerge parmi les nouveautés, même si plusieurs poids lourds répondent présent : Amélie Nothomb, qui publie ce mercredi son 33e roman (« L’Impossible retour », Albin Michel) ; l’autrice de best-sellers Mélissa Da Costa (« Tenir debout », Albin Michel) ; Yasmina Reza (« Récits de certains faits ») et Alice Zeniter (« Frapper l’épopée ») chez Flammarion ; Kamel Daoud (« Houris », Gallimard) ; Aurélien Bellanger (« Les Derniers jours du Parti socialiste », Seuil) ; Gaël Faye (« Jacaranda », Grasset) ; Jérôme Ferrari (« Nord sentinelle », Actes Sud) ; Abel Quentin (« Cabane », L’Observatoire) ou encore Yann Queffélec (« La Méduse noire », Calmann-Lévy).

Des surprises peuvent aussi venir d’auteurs moins établis, comme l’année dernière Neige Sinno , prix Femina pour son deuxième roman « Triste tigre » (POL), et grand succès de librairie. « Son odeur après la pluie’, le premier roman de Cédric Sapin-Defour, avait été notre meilleure vente en 2023 », relate également Manuel Carcassonne, chez Stock.

Côté littérature étrangère, les Américains Richard Ford (« Le Paradis des fous », L’Olivier), James Ellroy (« Les Enchanteurs », Rivages) et l’Irlandaise Sally Rooney (« Intermezzo », Gallimard) font figure de têtes d’affiche.

Enjeu économique important

L’enjeu économique de cette rentrée reste grand pour les éditeurs, après un premier semestre plutôt maussade. Maison mère de Hachette leader du secteur, Lagardère (groupe Vivendi) a par exemple publié fin juillet une légère baisse de ses revenus en France sur les six premiers mois de l’année pour son activité « Publishing » (-0,7 %), « en ligne avec le marché » selon le communiqué du groupe.

Phénomène médiatique et de librairie, la rentrée littéraire offre chaque année un coup de projecteur bienvenu pour les maisons d’édition, lançant une fin d’année traditionnellement propice aux ventes, avec les différents prix littéraires, puis les fêtes de Noël. « Une rentrée littéraire est comme un moteur », souligne Manuel Carcassonne. « Si tout fonctionne comme prévu, l’effet d’entraînement peut permettre de multiplier notre chiffre d’affaires par 3 ou par 4. A l’inverse, il peut y avoir un fort effet démultiplicateur si la rentrée littéraire ne fonctionne pas. »

Aux yeux du directeur général de Stock, « c’est autant une affaire symbolique que financière : le plaisir de participer chaque année à un jeu avec les autres éditeurs pour savoir qui a trouvé le livre dont on parlera le plus ».

 

Lire : Les Echos du 22 août

 

Jean-Philippe Behr

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