Les groupes médiatiques Québecor, Cogeco, La Presse et CBC/Radio-Canada ont décidé de tirer un trait sur leurs investissements publicitaires destinés aux plateformes de Meta — Facebook et Instagram — en guise de protestation contre les moyens de pression déployés par le géant du Web.
« Tout geste de Meta visant à se soustraire à la loi canadienne, à bloquer les nouvelles journalistiques ou à défavoriser de quelque façon que ce soit, par algorithme ou autre, l’accès au contenu des médias canadiens sur ses plateformes ne peut être toléré », a déclaré mercredi matin Pierre Karl Péladeau, p.-d.g. de Québecor, par voie de communiqué. L’entreprise détient notamment Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.
Dans la foulée, Cogeco a annoncé lui emboîter le pas. « C’est un écosystème chambranlant et une atteinte à notre démocratie. En modifiant les algorithmes afin que les nouvelles ne soient plus [accessibles] au public, Meta contrôle également la nouvelle. C’est grave », a affirmé la présidente de Cogeco Média, Caroline Paquet, sur les ondes du 98,5 FM mercredi matin.
La Presse a également indiqué dans un courriel envoyé au Devoir ne plus vouloir investir chez Meta, ajoutant que son recours à des publicités sur les réseaux sociaux est mineur depuis plusieurs mois déjà.
En fin de journée, CBC/Radio-Canada a finalement suivi le mouvement. « Nous joignons notre voix à celles d’autres médias canadiens pour exiger que l’accès de la population canadienne aux nouvelles — toutes les nouvelles, provenant de tous les médias, qu’ils soient publics ou privés — soit protégé », a indiqué le diffuseur public dans un communiqué.
Dans une lettre ouverte publiée mercredi matin, la directrice générale de l’information des services français de Radio-Canada, Luce Julien, dénonçait déjà l’attitude de Meta et de Google. Selon elle, en s’attaquant ainsi « à la pluralité des voix et des points de vue », les géants du Web s’attaquent « à notre capacité de faire des choix éclairés concernant notre vie démocratique, notre santé et notre sécurité ».
De l’avis du grand patron de Québecor, l’attitude de Meta va à l’« encontre de toute valeur éthique de n’importe quelle société croyant à l’importance d’avoir accès à un contenu fiable et de qualité, nécessaire à une saine démocratie ».
De son côté, Le Devoir dit évaluer cette possibilité. « Les sommes dépensées par Le Devoir sur Google et Facebook sont marginales, contrairement à d’autres médias. Nous réfléchissons sérieusement à cette possibilité, mais nous attendons de voir l’allure des négociations au sujet du projet de loi C-18 », a déclaré le directeur du quotidien, Brian Myles.
Ce mouvement des médias survient une semaine après que Meta eut annoncé le blocage à venir des nouvelles des médias canadiens sur ses plateformes, en réaction à l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne à Ottawa. Connue précédemment sous le nom de projet de loi C-18, cette réglementation vise à obliger les géants du numérique à partager les revenus qu’ils obtiennent grâce à la diffusion des contenus créés par les médias canadiens.
Meta a aussi récemment mis fin à plusieurs ententes de redevances qu’elle avait conclues avec des médias d’ici, dont les Coops de l’information et Le Devoir. La bourse Meta-La Presse canadienne a aussi été débranchée.
À noter que Google, un autre géant visé par la nouvelle loi, a aussi annoncé la semaine dernière que les liens des nouvelles des médias canadiens seraient retirés de son moteur de recherche d’ici l’entrée en vigueur de la réglementation.
Les gouvernements appelés à agir
Selon Québecor et Cogeco, il est nécessaire dans la situation actuelle que les différents ordres de gouvernement sévissent aussi. « Dans le cas du gouvernement fédéral, ce sont 11 millions de dollars d’investissements annuels qui sont dépensés chez [Meta], alors que seulement 10 millions de dollars de ces mêmes budgets sont investis auprès de l’ensemble des radiodiffuseurs canadiens », faisait remarquer Cogeco.
Peu après ces sorties publiques, le gouvernement fédéral a justement annoncé qu’il cessait lui aussi de payer la multinationale Meta pour des publicités sur les médias sociaux Facebook et Instagram.
À Québec, le premier ministre François Legault avait d’abord indiqué en début de journée ne pas être rendu « à l’étape de boycotter » les géants du Web. Il s’est ensuite ravisé en après-midi, en annonçant lui aussi « cesser toute publicité du gouvernement sur Facebook, le temps que Meta reprenne les discussions sur l’application de la loi C-18 », et ce, « en solidarité avec les médias »