Le groupe de presse et d’édition d’inspiration catholique lance un nouveau plan stratégique afin d’accélérer la digitalisation de ses titres. Un « cercle des donateurs » est notamment créé pour aider à financer la transformation de « La Croix ».
A l’âge canonique de cent cinquante-trois ans, le groupe de médias d’inspiration catholique Bayard veut se donner les moyens de rester à la page. La maison mère du quotidien « La Croix », des magazines « Le Pèlerin » et « Notre Temps » et de nombreux titres jeunesse a dévoilé mardi à ses salariés un nouveau plan stratégique, visant à « aller plus vite dans la transformation de Bayard à l’heure du digital », selon son patron Pascal Ruffenach.
C’est pour « La Croix » que la transformation est particulièrement urgente. Avec environ 50.000 abonnés print, ce titre de presse quotidienne est l’un des plus dépendants au papier. Il a certes limité la casse en matière de diffusion en 2022 (-1,3 % à 84.000 exemplaires en moyenne), mais l’inflation complique les recrutements d’abonnés numériques – environ 2.000 mensuels, un rythme que le quotidien, qui en compte environ 40.000, veut doubler.
Cercle de donateurs
Pour cela, entre 3 et 4 millions d’euros sont investis dans « La Croix » chaque année depuis quatre ans par le groupe, à la fois dans la data, les outils – avec l’arrivée d’un nouveau CMS en octobre prochain – et des compétences. Au total, le journal et son supplément hebdomadaire comptent environ 120 journalistes, une quinzaine de postes de plus qu’il y a trois ans.
Pour faire face aux besoins d’investissement de son quotidien phare, qui était pour la dernière fois à l’équilibre il y a cinq ans, Bayard lance donc un « cercle des donateurs » présidé par Pierre-André de Chalendar, président du conseil d’administration du groupe Saint-Gobain, en s’appuyant notamment sur des personnalités attachées à la survie d’un quotidien catholique. Cette structure espère lever 3 millions d’euros sur trois ans.
« Les petits dons sont les bienvenus, mais nous visons plutôt des dons importants », indique Pascal Ruffenach. L’objectif n’est pas de trouver des ressources structurelles, insiste-t-il, mais de « participer au développement de ‘La Croix’, par exemple pour trouver les ressources d’un studio vidéo, l’installation d’un CMS, etc. ». Les donateurs ne bénéficieront d’aucune contrepartie éditoriale.
Au global, le groupe, dont les publications touchent surtout un public constitué d’enfants et de seniors – ce qui le protège en partie contre la déferlante des usages digitaux -, investit environ 15 millions d’euros (en interne ou via des acquisitions) par an, notamment dans la transition numérique.
15 millions d’euros de coûts supplémentaires
Le plan est le fruit d’une réflexion entamée en septembre dernier, alors que les comptes ont dû absorber 15 millions d’euros de coûts supplémentaires sur un an, liés à la hausse du prix des matières premières (papier) et de l’énergie. « Un choc pour l’entreprise, notre marge opérationnelle navigant entre 15 millions et 30 millions d’euros par an », souligne le président du directoire.
Pour absorber ce choc et préparer l’avenir, l’économie de certains titres ou activités qui ne sont plus rentables doit être revisitée, précise Bayard. « La Correspondance de la presse » évoque de potentielles suppressions de postes. La réflexion concerne notamment l’adolescence, dans la partie jeunesse, ou encore certains titres des communautés chrétiennes, dont le groupe prend acte de la démographie déclinante. Ces points sensibles feront l’objet de discussions avec les organisations représentatives des salariés.
Le groupe aux quelque 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, quasiment stable sur l’exercice qui sera clos en juin, devrait au mieux rester tout juste dans le vert en 2022-2023, après deux exercices positifs. Détenu à 100 % par la Congrégation des Augustins de l’Assomption, Bayard n’a pas vocation à maximiser ses profits. « Notre actionnaire ne touche pas de dividende, notre enjeu est plutôt d’avoir des ressources, de bien les investir et de se dire ce que ce que nous faisons est porteur à long terme », rappelle Pascal Ruffenach.
D’où la nécessité de ce nouveau plan stratégique. Dans cette optique, le groupe devrait déménager son siège d’ici à l’été 2024 et quitter Montrouge pour Malakoff, où Bayard est en négociation pour louer un immeuble moins onéreux.
Renouveler le lectorat
Sur le pôle magazine grand public, le groupe mise sur le site du mensuel « Notre Temps » et sur l’acquisition d’une start-up de préparation à la retraite pour renouveler son lectorat et attirer des lecteurs plus jeunes, dès la cinquantaine.
Dans la partie édition et presse jeunesse (« Pomme d’Api », « Astrapi »…), qui rapporte la majorité des revenus de Bayard, le papier reste plébiscité par les familles. Le groupe repousse son objectif de 500.000 abonnés numériques dans le monde pour ses plateformes jeunesse (Bayam et La Maternelle Montessori) à horizon trois ans (auparavant, il visait 2024). Le groupe veut aussi investir environ 600.000 euros cette année pour monter en puissance dans le podcast.